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Publié par IRCE - Institut de Recherche et de Communication sur l'Europe - Une nouvelle vision européenne


Intervention donnée en ouverture de la semaine du développement durable organisée au Lycée Simone Weil à Dijon

Ces mots sont tous différents, ont tous leur signification mais assemblés, deviennent très forts, comme l’Europe unie dans sa diversité. De quoi parle-t-on ? Quel est le réel objectif, quelles sont les réalités, les options à analyser, les solutions mesurables, réalistes et réalisables à adopter à travers le filtre des éléments contrôlables et incontrôlables qui font que cette question est l’affaire de tous et non seulement des politiques et des réglementations ?

Par François CHARLES

Economiste, Conseil en stratégie et management, président de l’Institut de Recherche et de Communication sur l’Europe

Cette « planche à secousse » écologique doit nous permettre de redécouvrir des modes de fonctionnement et de consommation responsables. Le Groupe d’expert dur l’Evolution du Climat (GIEC) est à la tâche et vient de nous annoncer une hausse de plusieurs degrés. Si rien ne change, la température va augmenter avec des effets positifs car nous aurons moins à chauffer et donc moins à brûler et à rejeter de CO2, car la fonte des glaces ouvre des routes maritimes et car les vignes commencent à fleurir au nord de l’Europe comme du temps des Romains (où peut-être faisait-il déjà chaud). Mais ce sera une attitude non responsable pour nos enfants qui verront peut-être le tapis roulant des courants chauds s’arrêter et ainsi provoquer une nouvelle glaciation rapide jusqu’au milieu de l’Europe à cause d’un petit degré de trop qui inversera la salinité de la mer.

Quelques constats et réalités :

Le changement climatique modifiera notre façon de vivre mais le climat changera surtout à cause de notre mode de vie actuel même si la Terre a déjà connu d’autres époques chaudes, des dérèglements climatiques au long des siècles et des glaciations à cause d’autres facteurs. Mais peut-être pouvons cette fois en contrôler son évolution. Nous pouvons en effet contrôler l’effet de serre comme notre cholestérol ou notre stress maintenant que nous le comprenons. Il faut des gaz pour conserver la chaleur dans la serre mais pas trop sous peine d’en perdre tout le bénéfice. Il n’est pas forcément utile ni raisonnable d’annuler d’un coup les émissions de CO2 qui représentent 80% des émissions de gaz des 28 pays de l’UE car nous en avons aussi besoin, ni de mettre des tuyaux au « cul des vaches » pour capturer le méthane. Ceci nous rappelle aussi paradoxalement que le pétrole pollueur est issu de l’énergie fossile et donc animale et végétale. Il s’agit de consommer autrement. Savez-vous que même si la France n’a jamais eu autant d’arbres, le déboisement surtout en Amérique du Sud, représente 20% de la non compensation en CO2 mondiale et que les surfaces sont ensuite exploitées par des cultures gourmandes en eau.

Le problème de l’appréciation écologique est qu’elle ne se ressent pas tant qu’elle n’a pas d’impact visible sur la santé et l’économie. C’est un peu aussi le nucléaire et le gaz, inodores mais pouvant être tellement mortels si non contrôlés. Nous oublions trop vite le problème de l’eau quand il pleut ou quand les nappes phréatiques se remplissent. Les dérèglements climatiques provoquent désormais des saisons en dent de scie, des inondations violentes, des pluies qui dévastent plus qu’elles n’abreuvent le sol et qui provoquent une rareté et une insalubrité de l’eau, même dans nos propres campagnes. L’équilibre des écosystèmes est menacé. Les maladies sont en augmentation, de même que les morts par chaleur et les parisiens sont contents de venir prendre un peu de fraîcheur dans les vieilles pierres bourguignonnes.

Les pays européens utilisent deux fois plus de ressources qu’ils n’en produisent, ce qui démontre un trop grande dépendance aux énergies fossiles. Nous constatons désormais la réouverture des puits de pétrole dans l’Est de la France par besoin ou par nouvelle rentabilité attendue.

Par ailleurs, au même titre que la Chine veut rattraper son retard technologique, les pays de l’Est de l’Europe n’acceptent pas les mêmes règles écologiques que l’Europe occidentale, ce qui suscitera sans doute certains ajustements de gouvernance et d’intégration pour les nouveaux candidats.

Autres constats

Le nucléaire représente les ¾ du bouquet électrique français et 125 000 emplois directs et autant d’indirects soit 350 personnels par réacteur, certes moins que les emplois verts mais plus productifs, auxquels viendront s’ajouter les emplois du démantèlement. Ce qui est paradoxal est que le nucléaire est la plus verte des énergies tant qu’il n’y a pas de problème et tant qu’elle est bien gérée. Sinon c’est la plus sale et pour beaucoup plus longtemps que le CO2 mais sans impact sur l’effet de serre. Chacun ses lunettes ! Les énergies vertes sont coûteuses tant que non amorties mais développent 370 000 emplois en Allemagne et d’avantage d’ici 2020 ; l’emploi généré par l’économie verte reste encore cher mais peut convertir des indemnités chômage en salaire ; une décision politique engage un coût ou est prise en fonction d’un coût mais doit prendre en compte certaines réalités notamment dans le choix entre un coût de production de 50 € et de 100 € du mégawatt, mais s’agit-il d’un coût de sacrifice ou de survie ? 25% du CO2 de la Chine est produit par ses activités d’exportation et que dire du bois français exporté en Chine pour y être coupé, transformé en meubles et est réimporté en France.

Enfin, certains pays qui vivent majoritairement du nucléaire et qui sont donc plus propres comme la France doivent faire un effort de diversité énergétique alors que d’autres comme l’Allemagne qui dépend du charbon à 41% et du gaz à 14% et sans doute davantage à cause de l’abandon du nucléaire sauf s’il vient de France, devront faire de gros efforts de décarbonations.

Quels enjeux

On oublie trop vite les problèmes récurrents quand cela va mieux car on pense avoir soigné le mal alors que l’on a soigné la douleur, comme quand on croit avoir un mal de coude et que l’on a un mal de dos. Les enjeux sont multiples et globaux, tous reliés et assemblés dans un puzzle par leur diversité, comme l’est l’Europe, que je compare souvent à un diamant. Comme nous l’avons vu avec ces constats, il en va de l’emploi, de l’économie, de l’industrie, des aspects sociaux, des infrastructures, de la gouvernance, des transports, des financements, des territoires mais souvent de nos modes de vie et de notre survie. Il en va d’une certaine prise de conscience collective qui dépend beaucoup de là où nous habitons et des facilités de consommation dans lesquelles nous sommes enfermés, comme dans une ornière. Cette transition énergétique est l’affaire de tous, même si nous avons des regards différents. Et delà de tous clivage, l’écologie peut être et doit être industrielle si elle est raisonnée.

Le problème n’est pas que climatique. Il est lié à l’augmentation de la population, que certaines études multiplient par deux en 2050, qu’il faut nourrir, protéger et qui elle-même dérègle l’atmosphère, et donc à un plus fort besoin en énergie. Mais la prise de conscience semble exister dans les pays en voie de développement où la population ne cesse d’augmenter mais où cette dernière rejette moins de CO2 par habitant et où les énergies vertes sont plus développées que dans les pays industrialisés. Il s’agit aussi d’une forme intelligente d’action là où elles sont le plus appropriées.

Enfin, les constats du Programme des Nations Unies pour l’Environnement énoncent que d’ici 2050, si 2% des efforts de chaque pays allaient au verdissement, nous aurions 4% de surfaces agricoles supplémentaires, 20% de forets en plus, 10% d’emplois en plus dans les transports et 20% dans les énergies renouvelables.

Une prise de conscience équilibrée entre progrès et responsabilité écologique

Nous devons nous orienter vers une décarbonations intelligente sans forcément la réduire à 100%, vers une agriculture intelligente et raisonnée avec le juste traitement en fonction des évolutions constatées, et vers un respect des écosystèmes et de la gestion de l’eau.

Nous devons comptabiliser et nous organiser autrement par l’utilisation des méthodes de gestion par activité (ABC/ABM), aller plus loin dans le décloisonnement incluant les flux, considérer les modèles économiques globaux (ex de la justification du bioéthanol pour les voitures), développer l’économie de proximité (agriculture et industrie), développer les éco industries et les emplois verts (notamment éoliennes et panneaux solaires), changer les structures de consommation et de production, changer les indicateurs de développement, augmenter le stockage de l’énergie et des gaz et développer une vraie culture d’adaptation au changement.

Que fait l’Union Européenne ?

L’Union Européenne donne l’exemple, comme les Nations Unies à travers des directives, suivant le texte de Rio ou du protocole de Kyoto, qui encouragent sans vraiment imposer. L’Agence Européenne pour l’Environnement développe désormais un mode de pensée globale « d’Economie Verte » considérant ensemble d’une part la nécessité de résilience des écosystèmes (adaptation au changement), d’autre part l’économie verte et le capital productif pour une utilisation efficiente des ressources (faire mieux avec autant voire moins) et enfin le bien être humain (au même titre également le bien être animal dans le deuxième pilier de la PAC). La logique en silos doit être arrêtée pour une approche décloisonnée, voire une logique de pilier supportant un socle commun.

40 ans de politique européenne ont fait baisser les Gaz à effet de Serre (GES), augmenter la qualité de l’eau et de l’air mais de grands chantiers restent à faire.

L’objectif du Paquet Climat Energie de 2010 est de réduire de 20% des GES, d’augmenter de 20% l’efficacité énergétique et d’atteindre 20% d’énergie renouvelable. Les principales mesures concernent la rénovation des bâtiments publics (3% par an), la réduction de la consommation d’énergie des sociétés de vente et de distribution, la prise en compte de l’efficacité énergétique dans la fixation du coût de la distribution d’énergie, la réalisation d’audit énergétiques dans les entreprises autre que PME et la mis en place de compteurs intelligents. Ces objectifs ne sont pas faciles pour tout le monde, ni voulus et ne concernent que les énergies d’origine primaire et fossiles, excluant donc le nucléaire mis à part l’extraction de minerais. Deux groupes de cohérence pays se sont formés au sein de l’UE pour l’adaptation aux objectifs de Kyoto. D’autres objectifs plus ambitieux existent. Passer à 30% de réduction des GES procurerait, selon certaines études, 6 millions d’emplois, une augmentation de 0,6 % de la croissance et 3% du PIB. Certains aimeraient une réduction d’un quart des GES d’ici 2050. Est-ce réaliste et réalisable ? L’UE augmente les politiques d’infrastructure, de financement et de politique industrielle allant jusqu’à la compensation entre pays d’échanges d’émission. S’agissant de la recherche, elle travaille sur les réseaux intelligents de transport d’électricité pour réduire les déperditions d’énergie, sur la capture du carbone et sur un ciel et des avions plus propres.

Dans le cadre 2014-2020, la Commission Européenne a proposé d’affecter 20% du budget européen à des activités relatives à la lutte contre le changement climatique avec plus d’éco conditions dans l’attribution des fonds structurels, 30% des paiements de la PAC vers le second pilier (énergie et bien être), 25% vers les biens publics mondiaux liés au changement climatique et l’environnement et enfin de réaliser des investissements verts pour la recherche et les infrastructures. Les mécanismes d’interconnexion (réseaux CEF energy) ont reçu 5,1 milliards d’euros et le cadre H2020 de la recherche a reçu 571 millions d’euros pour els énergies sures, propres et efficaces.

Mais l’UE communique également et nous sensibilise depuis de très nombreuses années dans certains documents faciles d’accès et d’emploi même si les spots télé ou radio ne sont diffusés que maintenant en France. L’UE nous incite au recyclage, à éviter les aliments dont la production requiert beaucoup d’eau ou d’énergie comme la viande et la farines transformées, à utiliser l’eau en bouteille par parcimonie, à ne pas faire bouillir systématiquement l’eau ou juste le nécessaire, à économiser l’eau chaude par des douches plutôt que des bains, à éteindre la lumière, à utiliser les ampoules basse consommation, à débrancher les appareils et les chargeurs plutôt que les laisser en veille, à privilégier les sources d’énergie renouvelable, à privilégier les appareils de classe A ou A++, à réduire et optimiser les cycles de lavage du linge, à recueillir l’eau de pluie, à optimiser l’eau des toilettes, à fermer les robinets, à détecter et réparer les fuites, à baisser la température des maisons, à utiliser davantage les transports publics, à privilégier les éco labels, à planter des arbres etc.

Que fait la France ?

La France a mis en place la réglementation thermique 2012 orientant vers des règles énergétiques certes différentes pour les bâtiments anciens et nouveaux. Elle semble faire certains efforts pour la méthanisation, étend les champs d’éoliennes et de panneaux solaires, vient de libérer la production d’énergie domestique sans obligation réglementaire de raccordement vers les opérateurs. Elle semble confirmer la réduction de la part d’énergie nucléaire en réduisant sa part de dépendance à cette dernière sans forcément communiquer sur une réorientation vers l’économie verte.

Que font les entreprises ?

Les salariés prennent peu à peu conscience des lumières à éteindre, des coûts d’impression, de la conduite automobile souple et économe et même du poids énergétique de l’envoi d’un email. Certaines sociétés se sont spécialisées dans le marché de la compensation carbone. Tant mieux si cela peut entraîner un certain engouement avec un risque nouveau de spéculation. Les hôtels sont également peu à peu « positifs » dans leur construction et leur façon de fonctionner en récupérant l’énergie des cuisines, des douches, des spas et des ascenseurs. Les usines trient davantage et des centres de recyclage offre de plus grandes solutions.

Que font les Européens ?

En cette période d’élections européennes, rappelons-nous que la plupart des Européens souhaitent (sondage sur 27 000 personnes) que les investissements européens soient tournés vers l’environnement, ce qui a été traduit en par certaines orientations de la Commission comme dit ci avant. Si le Parlement ne peut que valider ou repousser le montant global de l’enveloppe financière, il peut par contre, par co-décision, en revoir le fond et les orientations.

La fondation Jacques DELORS veut faire de l’énergie un levier de relance du projet européen. Dans ses réflexions sur les dynamiques et les politiques européennes, l’IRCE travaille sur la construction d’une communauté européenne industrielle et énergétique basée sur la segmentation des compétences, le partage et le soutien mutuel au delà de la notion de compensation carbone. Comme la défense, ce domaine stratégique important pour l’Europe est paradoxalement difficile à faire évoluer mais nous y parviendrons.

Les Européens peuvent aussi penser que chaque action correctrice à Bruxelles, dans les nations, les régions mais aussi chez eux peut influer sur le contenu de leurs porte-monnaie. Par nos gestes individuels, nous sommes tous des tailleurs de pierre, mais surtout aussi des bâtisseurs de Cathédrale

Je terminerai une fois de plus par l’histoire de la baleine MOBY qui avait descendu le Rhin pendant 4 semaines en 1966 jusque devant le Bundestag pour ne remonter qu’en deux jours après avoir délivré son message. Avons-nous besoin encore que d’autres nous envoient de tels électrochocs ?

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