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Publié par IRCE - Institut de Recherche et de Communication sur l'Europe - Une nouvelle vision européenne

Après les deux premiers articles sur "faut-il sauver le soldat Ukraine" et "la Crimée ou la MESORE de Poutine ?", après le premier volet "l'Ukraine ou le recommencement de l'histoire", je vous livre ici une Objectifs et réalités (1) qui sera suivi d'autres puis d'options de maintien ou de sortie de crise. Ces réflexions recueillies de façon globale afin d'instruire à charge et à décharge sont la base d'une mission de facilitation IRCE pour solutionner cette crise d'instabilité européenne.

Merci à nos membres contributeurs et relecteurs

François CHARLES

président de l'IRCE

Crise ukrainienne : Objectifs et réalités (1)

Après l’intervention de François Hollande auprès de Vladimir Poutine, le discours de fin d’année de ce dernier, plus à l’aise sur les valeurs que sur l’économie, le dégel des relations entre les USA et Cuba, le geste de bonne volonté de V Poutine pour la livraison de charbon et de gaz, mais aussi la reprise des combats, jamais vraiment arrêtés, et suite à la première partie sur les rappels de l’histoire, je vous invite à continuer cette démarche d’appréciation et de prise de décision sur les objectifs et les réalités multiples à considérer par toutes les parties pour mieux comprendre cette crise et peut-être déceler certaines options de solution comme nous le verrons dans la troisième partie.

Par François CHARLES

Conseil en stratégie et management, Ancien officier de l’armement, président de l’Institut de Recherche et de Communication sur l’Europe

Nous pourrions reprendre les mots de Napoléon au traité de Tilsit face à Alexandre 1er : « au nom de quoi combattons nous ? ». Les lunettes sont différentes. L’UE se bat pour un espace de paix et de sécurité quand la Russie se bat pour un territoire. Au sein même de l’UE et de la France, certains se battent pour défendre ce peuple contre l’oppresseur en oubliant les réalités d’une intégration aux hormones, ou alors défendre l’oppresseur lui-même victime, pour mieux en accuser d’autres et faire apparaître une autre idée nationaliste ou européenne construire autrement, oubliant parfois aussi certaines réalités.

N’oublions pas non plus que les deux grandes puissances qu’étaient alors la France et la Russie ont repris leurs hostilités non pas uniquement à cause de la rupture du blocus par la Russie, qui en mit un autre sur les produits de luxe, mais sans doute surtout par un deuil non fait de la défaite d’Austerlitz comme le relève V. Fedorovski. Je maintiendrai donc pour ma part que si V. Poutine n’a pas fait le deuil de la grande Russie soviétique incluant les républiques non encore membres de l’UE, qui acceptent de travailler avec la Russie sans être pour autant considérées comme russes, il n’a pas fait non plus et surtout celui de l’Allemagne de l’Est. Un peu comme si un couple se séparait sans pour autant que l’un ou l’autre puisse refaire sa vie. Rappelons-nous enfin que si la Russie a alors été appelée à sauver l’Europe, elle l’a fait sans y voir uniquement les intérêts polonais, zone tampon sous la bienveillance de la France depuis 1806, comme la Belgique l’est de la Grande Bretagne depuis 1815 !

Les réalités en Ukraine

L’Ukraine n’est ni la Pologne et un amalgame de peuples, ni la Finlande unie et forte mais un mélange des deux avec une identité qui se réveille par la crise. Dans ses attitudes, elle ressemble davantage à la Russie où la force l’emporte, qu’à l’Europe occidentale et surtout à l’Allemagne, pays de consensus, qui existait pourtant en Ukraine entre l’est et l’ouest jusqu’à ce que les manifestants de la place Maidan jouent l’antithèse du jeu du Schlemiel en poussant à l’exil l’ancien président ukrainien avant qu’il ne recommence de tirer sur la foule, qui avait d’ailleurs provoqué la chute des Romanov ou qu’il continue dans la corruption.

S’agissant de son poids, l’Ukraine n’est pas n’importe quel pays. Elle possède une très grande superficie, une énergie nucléaire à rénover, un lien de proximité avec la Russie avec notamment un énorme pipeline allant en Allemagne, en République tchèque et Hongrie puis sans doute prochainement d’autres pays sud européens, et qui sera rénové grâce à un prêt de 150 millions d’euro (die Zeit 5 déc). Pourtant, tout le monde s’accorde à dire que l’Ukraine est très pauvre, à commencer par la diaspora russe qui la dénigre en se demandant : pourquoi nous y intéressons-nous ?

L’objectif des Ukrainiens est double désormais : intégrer l’Union européenne pour des raisons économiques mais également pour se libérer définitivement de la dépendance russe tout en continuant si possible ses échanges commerciaux et ses liens industriels. Dans sa conférence de presse, une fois réfugié en Russie, l’ancien président ukrainien semblait mettre en avant le problème d’écartement des voies pour ne pas adhérer à l’UE, cachant sans doute les pressions exercées par Moscou. C’était oublier que l’Union ,co-finance largement les infrastructures des pays impétrants.

Le vote législatif en Ukraine - celle qui a pu voter - est majoritairement pro européen avec quelques bémols quant à l’attitude à adopter vis-à-vis des Russes. Les dernières élections législatives de 2014 ont laissé certains fauteuils vides suite à l’annexion de la Crimée et aux réalités dans la zone Est où le Front Populaire l’a emporté devant le bloc de Petro Porochenko suivi par l’Union Samopomichtch (autonomie) du maire de Lvov (Marianne n° 915).

L’élément positif est que cette radicalisation ne semble pas liée à une nostalgie néo-nazie en terme d’idéologie mais plutôt à un signe de résistance au voisin russe. Certains y verront les mêmes causes et les mêmes effets. Elle entretient par contre une grande volonté d’éradication de la corruption. Quand certains accusent le gouvernement ukrainien d’être en partie pro nazi, ont–ils vécu dans ces pays ? N’ont-ils pas une certaine volonté à montrer une résistance face aux Russes ?

Les deux bastions d’Ukraine de l’est que sont Donetsk et Lougansk, sont en fait deux sous pays et républiques différentes avec des Premiers Ministres et des gouvernements. On peut y rajouter les trois républiques cosaques autoproclamées (Financial Time 7 décembre) espacées de 3 heures de route. Elles sont soutenues par Moscou mais non officiellement sans avoir toutefois l’intention de les annexer, comme en Crimée et en Géorgie. Pour la secrétaire générale de l’Union des Comités des mères de soldats créé en 1989, la présence des forces russes en Ukraine est illégale (le monde 8 déc.) à part la présence de soldats russes en Crimée de par l’accord de 1997. La guerre en Ukraine est différente de la situation à Grosny, où les militaires étaient officiellement « en vacances » (sorte de team building récréatif…) car cela dure et que personne ne sait où les soldats sont envoyés car en plus, les militaires doivent signer une clause de confidentialité, ce qui protège aussi VP sur ses actions. Certaines exactions, contraires aux droits de l’homme, comme en ex Yougoslavie ou pendant la période non contrôlée de la libération, semblent même avoir eu lieu. Au de- là de la parade avec des prisonniers, selon le FT du 7 décembre, la libération de la ville de Slavansk a fait apparaître une fosse avec 14 corps. La diaspora pro russe aime à montrer des enfants soldats en disant qu’ils sont considérés comme des terroristes, alors qu’ils feraient mieux d’aller à l’école …

La crise ne date pas d’hier. Selon toujours le FT du 7 décembre, le gouvernement ukrainien avait demandé informellement en 1994 à Donetsk si l’envie d’une plus grande autonomie existait avec la volonté de conserver la langue russe, hélas sans suite. Même si le gouvernement est revenu en arrière sur la langue, il est indéniable et compréhensif que les russophones de l’Est ne souhaitaient pas se retrouver comme ceux des pays baltes, devenus « non citoyens » car ne parlant pas la langue.

Autres réalités : la catastrophe de l’avion civil abattu et la résistance étrangement efficace des séparatistes démontrent que ces derniers sont alimentés soit par d’anciens stocks ukrainiens, soit par les Russes, comme pour l’invasion de la Crimée avec des véhicules sans plaque descendus du ciel, soit par le saint esprit… la Russie dément bien entendu toute implication pour ne pas déclarer ouvertement la guerre et tenter de tirer quelques ficelles. Il était également étonnant que le convoi humanitaire ait été prévu alors que les magasins ukrainiens étaient encore approvisionnés…

Le cessez-le- -feu entre Kiev et les séparatistes a été signé le 5 septembre 2014 après environ 4000 tués. Il a tout de même changé beaucoup de choses. On compte beaucoup moins de victimes (quelques centaines), les gens retournent travailler (sans salaire) et déambulent dans la rue même pendant les quelques jours chauds d’octobre. Les chiffres du ministère de la défense ukrainien sont souvent plus élevés que ceux de l’OTAN ce qui démontre aussi une certaine sagesse de cette dernière.

Le 16 septembre deux lois ont été adoptées apparemment sans débat (Marianne n° 915) et divisant les responsables comme la population, accordant un statut spécial aux régions de Donets et Louhansk avec une amnistie pour les combattants. Les sondages affichent que la majorité des Ukrainiens est pour la continuation de la guerre.

Depuis la guerre contre la Russie, un certain sentiment national apparaît plus fort qu’auparavant. La population a pris les choses en main depuis les événements de Maidan mais aussi en tabassant des parlementaires et les mettant dans des poubelles sous prétexte de soutenir la modération et donc les séparatistes ! (Marianne n° 915). Certains groupes comme le parti radical emploient aussi les manières fortes pour tabasser les actuels ou anciens séparatistes voyant que le pouvoir n’agit pas. … révolutions arabes ou française ?

Pour autant, le Président Poroshenko se veut positif. Dans un article au Wall Street Journal le 5 décembre, il déclare qu’« après des décades de tragédies et d’instabilité, l’Ukraine est finalement prête à construire un Etat fort ». nouveau parlement pro-européen en place, trois portefeuilles ministériels attribués à des étrangers pour conduire les réformes nécessaires à l’élaboration de critères professionnels et éthiques, lutte contre la corruption notamment pour mener à bien l’agenda d’accord d’association entre l’Ukraine et l’Union Européenne La mise en place de ministres étrangers, comme auparavant en Russie, mais aussi dans certains pays d’ex-Yougoslavie, pour leur compétences mais aussi une certaine absence de corruption dans les gênes, est une voie de sagesse et de développement.

Pour les ukrainiens, comme pour les insurgés, l’objectif est de passer l’hiver. Janvier 2015 a vu de nouveaux combats à Mariopol, à proximité de la Crimée voisine.

Les réalités en Crimée

Le coup de force a commencé au lendemain de l’inauguration du port militaire ukrainien soutenu par l’OTAN. Ce fut sans doute la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.

La Crimée avait demandé son rattachement à l’Ukraine qui l’a accepté quand elle a été cédée par la Russie, dont les dirigeants en gardaient le lien. Souvenons-nous que la Crimée était depuis toujours le lieu des vacances d’été des dirigeants russes avant 1991.

Considérant le faible cordon ombilical entre l’Ukraine et la Crimée, comme je l’ai écrit dans « la Crimée ou la MESORE de Poutine », la Crimée peut être la meilleure solution de rechange sans perdre la face pour chacune des parties. Les occidentaux peuvent considérer que la Russie a violé le territoire alors que celle-ci s’estime être dans son bon droit. Considérant la Crimée comme la Tchétchénie, territoire de la Fédération de Russie, la diaspora russe à Paris fait même le parallèle de la Crimée, voire de l’Ukraine, avec une région française qui se serait soulevée. Notons que les personnes qui n’ont pas voulu devenir russes sont toutes fichées.

Un projet de pont est lancé entre la Crimée et la Russie voisine et l’aide économique russe est attendue. A suivre.

Les réalités entre l’Ukraine et la Russie

L’enfant adapté rebelle Ukraine, mais pays souverain, même si Kiev reste pour les Russes la mère des villes de Russie, veut désormais confirmer son démarquage avec la Russie Le sentiment bienveillant des Ukrainiens, qui existait dans le pays envers les Russes, semble aujourd’hui cassé et les parties occidentales et orientales se rejettent. Si la crise dure, comme dans toutes les formes d’organisation, la population prendra aussi les choses en main. Feront-ils le deuil comme entre Français et Allemands où il est plus facile de parler d’Allemagne nazie pour ne pas dire et même penser qu’ils s’agit des Allemands en général alors qu’Hitler était une vraie star dans son pays avant l’invasion de la Pologne et les tapis de bombe alliées sur les villes.

On peut aimer la Russie des tsars, la Russie démocratique qui a rétabli les religions, la Russie qui se comporte avec force, fidèle à son état d’esprit, face au terrorisme, mais pas celle qui alimente un conflit en Europe, utilisant la manipulation, le mensonge et la fourberie des pseudo- négociations pour ne pas perdre la face.

Beaucoup se demandent vers qui se tourner entre les Russes ou les Américains alors que là n’est pas la question. Pour certains, nous assistons à une révélation de ce que n’était pas la Russie et sa pseudo ouverture, comme une personne que l’on apprend à connaître sous stress avec ses cotés obscurs révélés.

Revenant sur les propos de l’Ukraine pauvre, on peut se demander pourquoi la Russie et Vladimir Poutine ne s’y sont pas intéressés plus tôt avec une aide économique dès qu’ils le pouvaient. Nous y reviendrons dans la partie sur les options de maintien ou de sortie de crise.

Les réalités des liens entre l’Ukraine et l’UE

La guerre économique avait remplacé la guerre militaire en Europe mais c’est bien elle qui cette fois-ci a enclenché le conflit militaire. Pour l’UE, l’intégration de l’Ukraine fait partie d’une logique de territoire de paix et de sécurité par des voies économiques et structurelles.

Les liens ne datent pas d’hier. Les relations politiques et économiques se sont développées depuis 1998 par l’accord de coopération dans le domaine des réformes, qui visait bien déjà une pré-adhésion à terme et peut-être trop précipité. Ces actions sont également inscrites dans la politique de voisinage de l’UE visant à réduire les risques de déstabilisation économiques et sociaux aux abords des frontières. Nous n’avons guère entendu M. Poutine s’opposer à cet accord durant tout ce temps alors qu’il a usé de pressions et de jeux psychologiques (Schlemiel, ce bon vieux Joe, sans toi …) qui ont abouti à plusieurs milliers de morts mais sans implication officielle, comme au temps de la guerre froide, un deuil non fait sans doute en connaissance de cause.

Un accord d’association mis en place en 2012 et confirmé en 2013 par un agenda. Le réel besoin économique ukrainien annoncé fut de 12 milliards d’euros. Je parlais de syndrome de l’Allemagne de l’Est rappelant que cette dernière était essentiellement retombée dans le giron de l’ouest par banqueroute financière. Mais si la Russie n’avait pu l’aider en son temps, il en est autrement pour l’Ukraine.

Un gel est arrivé en novembre 2013 au sommet de Vilnius sous prétexte, par le président ukrainien, de refus des contraintes européennes. C’est là que l’on peut penser que les Européens ont peut être voulu aller trop vite dans une notion d’intégration avec ce pouvoir qui ne le souhaitait pas forcément. On se souviendra de la fuite de Frédéric III la veille de signer le couronnement du roi de Bourgogne qui visait à rétablir la paix avec la France …

Ont suivi les événements de la place Maidan où les pro-Russes et la diaspora crient pour leur part à la théorie du complot ainsi que l’invasion et l’annexion de la Crimée. En mars 2014, le Conseil de l’UE condamna la violation de la souveraineté territoriale de l’Ukraine qui avait pour sa part accepté le stationnement de la flotte en Mer Noire par une convention de 1997. L’accord UE / Ukraine sur l’intégration économique et l’association politique fut confirmée (CQFD plus avant) le 27 juin avec le nouveau gouvernement avec une recherche de solution pacifique dans les discussions avec la Russie sur le gaz. Ces dates, ainsi que les sanctions prises par l’UE et par la Russie, ne l’oublions pas, ont été détaillées dans la présentation de l’IRCE sur cette crise et l’impact sur les entreprises faite devant le MEDEF et ci-après.

Une intégration rapide semble être en marche, sans doute trop rapidement au moment où la planche à secousse économique donne à plein. Certes le pays souffre d’une même légitimité sécuritaire que les autres pays de l’Est rentrés en masse 1991 pour fuir si possible définitivement le régime soviétique et qui semblent économiquement bien se comporter, avec une culture industrielle et travailleuse. Il va nous falloir accueillir cette volonté d’intégration comme je l’ai déjà écrit dans « faut-il sauver le soldat Ukraine »

Quant à ce Parlement un peu « dur », on peut aussi se demander si finalement est-ce aussi bon pour l’Union européenne si le pays l’intègre quand on s’émeut de la gouvernance hongroise…

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