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Publié par I.R.C.E. - Institut de Recherche et de Communication sur l'Europe - Une nouvelle vision européenne

Visite VIP de l'I.R.C.E. du Stand Dassault Aviation

Visite VIP de l'I.R.C.E. du Stand Dassault Aviation

Il aura fallu une certaine crise sécuritaire, notamment avec le regain de tensions avec le Pakistan, certaines prises de position diplomatiques, un euro moins fort et sans doute une douce violence de l'Etat envers l'avionneur dont les autorités indiennes se plaignaient depuis longtemps du manque de négociation, pour faire aboutir les négociations sur le Rafale avec l’Inde qui duraient depuis plus de 15 ans. La France doit se réjouir de la vente de cet avion polyvalent dont la valeur technique était reconnue depuis longtemps. N'oublions pas non plus qu'il s'agit aussi du succès d'un matériel européen qui fait partie d'un catalogue global pour être plus forts ensemble plutôt qu'éternels concurrents.

Par François CHARLES

Ancien responsable d’affaires industrielles internationales à la DGA, DESS Défense, Président de l’IRCE et de NOVIAL Consulting SAS

Un succès français

L'Inde vient donc de signer l'achat de 36 avions Rafale pour quelques 8 milliards d'euros, venant compléter sa gamme d'appareils déjà en partie français avec les Mirages 2000. Les avions dédiés devraient être livrés dès 2019 en dehors de ceux livrés en avance de phase pour l'entraînement des équipages. D'un point de vue opérationnel les militaires voulaient cet avion performant, comme d'ailleurs les Suisses et les Brésiliens. Cette technicité française, chère mais nécessaire en période de crise avait d'ailleurs aussi conquis d'autres pays et se rajoute au succès de DCNS. C'est enfin une libération pour Dassault qui produit cet avion seul, comme pour le Gripen mais pas comme l'Eurofighter, avec les avantages en terme de management industriel et les inconvénients en terme de marché que cela représente. C’est l’exemple de l’EFA avec des achats sûrs en Allemagne, Espagne, Italie, Royaume-Uni, qui savent aussi réduire les montants initiaux, et à l’export en Arabie Saoudite, Autriche et Oman. C'est aussi le succès d'un écosystème composé par Thales, Safran mais également MBDA, modèle d'intégration européenne, pour ses missiles.

Cette vente doit être un succès européen pour reconnaître certaines zones d’influence française, en complément de celles d’autres pays européens, dans une logique de représentation commune appuyée par la Haute Représentante des institutions. Comme au Moyen Orient, cette vente répond à une nécessité de protection face à une menace de déstabilisation mais également à un besoin de double source d’approvisionnement et d’indépendance de certains pays de la zone face aux Etats-Unis ou la Russie qui avaient également fait certaines offres.

Elle doit être un succès européen sur le produit, sa maintenance et sa gouvernance de fabrication. Les choix de défense sont certes politiques mais se confortent d’éléments technologiques et économiques pour répondre à un besoin opérationnel et parfois uniquement de dissuasion. Le Rafale est un produit haut de gamme multirôles à la fois bombardier, chasseur, avion de reconnaissance, ce que ne sont pas, par exemple, le Gripen ni l’Eurofighter Typhoon (EFA). Cette caractéristique peut être importante dans certains cas pour satisfaire les attentes des clients, non forcément identiques, comme nous l’avons vu au Brésil et en Suisse qui n’avaient pas besoin d’un tel avion à tout faire au détriment cette fois-ci du Rafale. C’est bien la force potentielle de l’Europe de pouvoir proposer cette diversité de produits, de savoirs faire et de savoir être avec une spécialisation de ses pays et ses industriels unis pour des projets externes. Le Rafale parait cher mais l’équation globale semble gagnante tout en veillant avec soin aux coûts de maintenance et de leur facturation. Espérons que le Service Industriel de l’Aéronautique français rattaché encore à l’Etat sera mis à contribution pour ces compétences en maintenance même pour ce contrat export. Si le Gripen a quant à lui bénéficié d'une meilleure approche de maintenance par les Suédois, les Russes ont aussi perdu le marché indiens par les coûts de pièces de rechanges qu'ils faisaient supporter à l'Inde, de la même façon que Dassault a semble-t-il perdu son marché au Maroc.

Elle doit être enfin un succès européen sur les compensations réclamées. Les ventes d’avions de chasse, mais aussi de biens à haute valeur technologique sont particulières. En dehors, théoriquement, de l’Union qui tente de faire respecter la directive européenne de 2009 sur les marchés de défense et de sécurité dans une plus grande logique de transparence des marchés et de coopération, elles s’accompagnent quasi-systématiquement de compensations industrielles sur le produit considéré ou non, financières et/ou commerciales au-delà de la formation des pilotes, d’ailleurs souvent payée. Elles dérogent généralement aux règles du commerce international au profit du pays acheteur, de ses industriels et de son développement économique, avec un jeu de négociation portant sur les coefficients de valorisation des éléments de haute technologie. Même si poussées politiquement, elles peuvent rendre les ventes peu rentables et finalement non justifiées économiquement pour le vendeur ou son pays ne sachant pas les expliquer dans l’approche globale de la transaction, comme ce fut le cas pour la votation Suisse contre le Gripen. D’un aspect positif, elles peuvent par contre permettre de créer des liens nouveaux entre PME sous-traitantes des deux pays, comme l'ont bien compris les Britanniques, sauf quand elles sont hélas remplacées d’un coup de crayon par les maîtres d'oeuvre. S'agissant du contrat indien, rien n'est vraiment finalement figé en espérant une démarche gagnante.

Dans une logique d'approche européenne, avec hélas un partage de marché et de client peu reconnu par la Suède pourtant adepte de l'Union dans la diversité, le rêve serait d'imaginer que les autres pays européens et leurs industriels, plutôt habitués à travailler en coopération entre eux, puissent à aider la société Dassault Aviation et la France, si elles l’acceptent, à remplir ses engagements de façon décloisonnée comme nous avions essayé de l’instituer en France dans les années 90 à travers toute la communauté industrielle et étatique de défense.

PUBLICATION JOURNAL DU PALAIS

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