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Publié par I.R.C.E. - Institut de Recherche et de Communication sur l'Europe - Le Think et Do Tank des dynamiques européennes

Je vous livre ici un article sur l'affaire du F-35  qui a mûrit progressivement en vous rappelant également plus après un autre article récent sur "les mots clés de la défense européenne" ainsi que d'autres articles sur l'OTAN et nos propositions défense et sécurité.

La Belgique vient de se décider d’acheter 34 F-35 pour remplacer ses F-16 et de se faire blâmer par ceux qui n’ont pas encore compris le fonctionnement de l’Europe et de ses interdépendances naturelles ou obligées qui change plus le pansement que pense le changement. Les choix de défense sont des choix politiques qui se confortent d’éléments techniques, économiques et industriels mais également géopolitiques et psychologiques avec parfois recherche d’équilibres ou de rupture. Le coup de théâtre et l’étonnement n’ont finalement pas lieu d’être dans cette affaire. La France, qui veut être leader en tout, croyait avoir le beurre, l’argent du beurre, la crémière mais finalement n’a que la fourgonnette avec les achats terrestres et n’est-ce pas là l’essentiel. Cela empêchera de chanter une nouvelle fois « pour les Belges yen a pu » !

 

Par François CHARLES

Président de l’I.R.C.E. et de NOVIAL CONSULTING & INTITUTE SAS, ancien responsable d’affaires industrielles européennes, internationales et OTAN et de la politique d’offsets à la DGA

 

Tout le monde y est allé de son couplet ces dernières semaines, les uns, surtout étatiques, tels de bons coqs gaulois, blâmant les Belges non Européens tout en notant « en même temps » le partenariat stratégique terrestre, et les autres, surtout industriels, se disant depuis longtemps détachés de cette décision attendue ou vantant plutôt le contrat d’armement terrestre dans une certaine forme de coopération, sans le considérer comme une meilleure solution de rechange. Mais avons-nous lu toutes les réalités ? Comme je le rappelais dans « les mots clés de la défense européenne » et « le Rafale en Inde mais pourquoi pas en Europe ? », l’Europe est bien plus compliquée que certaines phrase partisanes et elle mérite toujours une approche globale. La France a voulu se cacher la tête dans le sable depuis 20 ans et ne pas analyser cette situation, d’ailleurs avec l’Allemagne, pour ne pas se faire de mal ni se froisser avec ses partenaires européens et étasuniens sur le grand pompage industriel du X-35 sans voir d’ailleurs le risque sous-jacent désormais apparent. Les intérêts français doivent être défendus derrière son panache blanc mais ceux des autres, parfois pris en otages mais qui doivent prendre des décisions pour ne pas terminer comme l’âne de Buridan, doivent être pris en considération et en interdépendance +/+, gagnant-gagnant non forcément 50-50, comme le faisait Talleyrand qui oeuvrait plus pour son pays qu’on ne le pensait et qui préservait les frontières actuelles en dès 1814 quand les Alliés le réclamaient simplement avant l’invasion de la France et l’abdication pour l’Ile d’Elbe. Les spécialistes du management et de la négociation savent bien que pour parvenir à l’interdépendance, il convient souvent de passer par trois autres stades et que la roue peut se réenclencher sauf à prendre une certaine hauteur de maturité.

 

Certains diront que les lignes qui suivront sont un bon résumé ou une bonne synthèse de nos connaissances. D’autres sauront les trouver porteuses de sens en écoute active avec certaines réalités croisées et sous-jacentes qui pourront aider à faire le deuil avec un bon coup de tamis en fin de phase. D’autres enfin les blâmeront tout en étant néanmoins contents si les choses bougent, un peu comme quand les pays européens aiment le contre leader français dans le jeu psychologique du « battez-vous » entre la France et les Etats-Unis avec un regard attentif  de la Chine et de la Russie.

Rappel des faits

 

Un Request for Government Proposal avait été émis par la Belgique dans le cadre de son programme Air Combat Capability Program pour acquérir 34 nouveaux avions de combat afin de remplacer ses F-16 vieillissants mais potentiellement rétrofitables (remise à niveau technique). Le F-16 étant déjà en place avec satisfaction, il donnait donc un avantage pour les constructeurs étasuniens.  Après un premier forfait de Boeing et de son F-18, ce fut le tour de Saab et ses JAS-39 Gripen soit disant à cause d’une incohérence de politique étrangère manque de soutien opérationnel étendu. Restaient alors d’une part le Rafale de Dassault Aviation, ou plutôt un partenariat ouvert et non chiffré, porté par la DGA et beaucoup moins par son constructeur qui pourtant est le vrai vendeur et qui sait ne pas perdre son temps dans certains pays d’Europe, d’autre part l’Eurofighter d’Airbus, BAé Syst et Leonardo en coopération, gouffre financier, non soutenu par tous se clients européens et enfin le F-35A défendu par le Joint Program Office avec ses 440 avions promis à 11 pays dont pour l’instant 4 pays européens (DNK, ITA, PB, UK, Norvège), avec une baisse prévisible des couts unitaires mais également hors contrôle budgétaire comme tout programme en coopération militaire, impliquant un certain nombre d’industriels de pays européens où les Etats-Unis ont voulu s’engouffrer.

 

Réalités historiques

 

Rappelons-nous en ce mois de novembre que la présence des combattants américains fut décisive pour la fin de la première guerre mondiale où la France commença à perdre son prestige et sa langue universelle, qui furent remisés dès 1940, même si certains sursauts veulent prouver le contraire. Rappelons-nous par ailleurs, et certains semblent le découvrir aujourd’hui, que le traité européen reconnait que certains pays préfèrent confier leur défense à l’OTAN. Quant à l’idée d’armée européenne, après y avoir travaillé pendant un an avec méthode structurante avec de nombreuses nations dont certaines mises en cause et sans la participation militaire française ni l’allemande, qui y étaient pourtant invitées et qui attendaient des annonces politiques qui sont désormais là, elle doit être réfléchie sur la base de compétences imbriquées en confiance au-delà d’un simple concept politique.

 

Si le rappel de la réconciliation franco-allemande, impensable il y a encore 70 ans, ne doit plus primer pour mieux pousser les Allemands à accepter des décisions françaises, et si possible inversement, la volonté de sécurité des pays centraux ne doit pas non plus faire oublier certaine réalités d’identité.

 

Certains pays d’Europe se rangent volontiers derrière les Etats-Unis pour se sentir protégé par un ennemi déclaré de la Russie profitant de l’alibi de la non intervention de la France quand elle le pouvait se rappelant des présences et interventions françaises en 1919 et 20. Mais ces mêmes Etats-Unis sont-ils intervenus dans les années 50? Certains s’y rangent pour éviter en réalité de consacrer trop de budget à la défense, se sentant protégés, même si rappelés à l’ordre sur les 2% réclamés au sein de l’OTAN, chiffre d’ailleurs trouvé par les Français. Que tous se souviennent que les Etats-Unis sont par nature isolationnistes, qu’ils ne sont pas venus spontanément, qu’ils pensent en même temps business et que D. Trump n’est pas le chef des Armées, comme Emmanuel Macron qui peut décider seul d’une guerre en se protégeant derrière la constitution française mais parfois de façon réactive et salvatrice. Le jeu des 3 P  est en route : Puissance pour et puissance sûr et surtout pas de Permission sans Protection.

 

Heureusement parfois aussi que les Pays-Bas sont là pour tirer la sonnette comme par exemple pour l’Ukraine et sa possible intégration sans doute un peu trop rapide dans l’UE et bien au-delà d’une simple politique de voisinage nécessaire.

 

Réalités politiques, géopolitiques et psychologiques

 

L’achat d’avions est plus politique que celui d’engins terrestres car la maitrise des airs est souvent décisive et la présence d’aéronefs un atout psychologique. Le contrat des 442 véhicules blindés du programme Scorpion est tout aussi stratégique car il suffit ensuite de tirer la pelote pour créer un système cohérent sur le terrain.

 

La Belgique est le 6° pays à acheter le F-35 après les Pays-Bas, la Norvège, le Danemark et l’Italie et fait partie du Bénélux, que tout le monde croit bien entendu connaître en tant que pays voisin. E. Macron en prend sans doute conscience par ce voyage d’Etat cette semaine, après celui de G. Pompidou en 1971. Il s’agit bien d’un groupe de pays composé également des Pays-Bas avec une certaine cohérence dans beaucoup de domaines, écouté d’ailleurs d’une certaine oreille par le groupe de Visegrad. La Belgique et les Pays-Bas se réjouissent de l’élan français tout en affirmant leur identité et en se tournant vers la partie qui défend et sécurise le plus. Pour autant, dans Belgique il y a « Bruxelles » symbole des institutions européennes, mais aussi Mons symbole de l’OTAN depuis le déménagement de France, ainsi que Waterloo où Napoléon faillit avoir une nouvelle victoire finale par son attaque rapide.

 

La France tire l’Europe de la défense « à sa façon » dans un consensus orienté, comme au temps de Napoléon, quand l’Allemagne tire la sienne, voire celle des autres, dans une liberté et un consensus plutôt appréciés en laissant une liberté. Elle fait de plus une projection psychologique sur son grand adversaire partenaire car elle veut tout et fait un blocage quand on lui résiste. Attention à la prise de judo. Notons aussi que le la brigade franco-allemande existe, les Allemands fonctionnent avec les Néerlandais en imbrication entre unités. Les deux modèles peuvent être complémentaires avec leurs avantages et inconvénients dans une logique d’armée européenne dont la France veut faire oublier son refus initial sans le dire officiellement.

 

Du côté des institutions, la commission européenne penche plutôt côté français pour la forme mais allemand pour le fond. Le Président Juncker a créé par ailleurs un paquet de défense sans froisser l’OTAN mais en oubliant le mot « industriel ». De leur côté, les Etats-Unis répondent en bloquant les ventes françaises à l’export à cause d’un composant électronique, comme ils l’avaient déjà utilisé avec le Japon pour un litige de réexportation, ce qui avait provoqué positivement un rapprochement du Japon avec la France dans l’aéronautique et la défense dans les années 90 et confirmé depuis.

 

L’achat peut-être considéré comme un choix flamand plus que wallon, sous pressions étasuniennes et néerlandaises non avouées mais bien réelles pour veiller aussi à la cohérence des exercices bilatéraux. Le premier ministre Charles Michel a essayé de trouver certains éléments pour retarder ou remettre en question la décision pour sauver la face avec son voisin, mais la cause était entendue. Il l’est aussi peut-être aussi dans une certaine mesure pour épingler la France sur ses décisions unilatérales opérationnelles en opérations extérieures qui se sont apparemment moins bien passées que prévu, avec en plus l’emploi du slogan étasunien du droit du sang alors que celle-ci n’aime pas les subir.

 

La France, chantre du multilatéralisme, extra et si possible intra européen, mais qui se braque en Europe, comme le font les Etats-Unis, quand ses solutions ne sont pas adoptées, doit apprendre l’interdépendance et l’humilité pour encore mieux rayonner et valoriser ses solutions et sans forcément copier celles des autres. De la même façon, certains pays doivent apprendre que la solidarité européenne est sans doute plus forte et moins intéressée que d’autres solidarités extérieures, même avec une histoire auparavant très liée.

 

Enfin, la France doit apprendre que le client n’est pas fidèle surtout dans un amour platonique non remis en question chaque jour, même et surtout en Europe, et que la non reconnaissance du partenariat de longue date pour l’accompagnement des pilotes  est un camouflet également sur les aspects économiques et industriels.

 

Elle n’imagine pas non plus valider cette notion de concurrence intelligente avec les Etats-Unis qui ne l’acceptent finalement pas non plus, jouant le double jeu de feindre de se détacher de l’OTAN, mais finalement pas de l’Europe. Elle ne le fait pas non plus en intra européen, notamment avec la Suède préférant la blâmer de signer la PESCO un jour et acheter étasunien le lendemain en oubliant qu’elle sait aussi acheter étasunien avec des offsets de façade étant donné que le contrat était déjà signé alors qu’elle aurait pu acheter suédois.

 

La France devrait également sans doute mieux considérer l’OTAN comme vecteur d’intégration européenne pour la défense de l’Europe, avec tous les autres pays qui en font partie, et pousser à une gouvernance européenne au sein de l’OTAN, outils qui fonctionne et peut-être à reprendre, plutôt que l’ignorer, ce que lui rappelle encore récemment l’Allemagne. Que penser enfin de cette revue stratégique commandée et approuvée apparemment par la France qui parle d’Europe mais n’intègre pas les autres pays dans ses choix, ce qui pourrait aussi réduire la facture, ne donnant donc pas le bon exemple. Rappelons enfin que lors de son débat à Strasbourg avec les députés européens, E. Macron s’est protégé derrière la constitution française et qu’Angela Merckel, dans le même exercice mais en fin de mandat, rappela qu’une possible armée européenne devait être en « complément de l’OTAN », alors d’ailleurs qu’elle doit être « dans » l’OTAN.

 

Rappelons que les marins savent apprécier l’autonomie de commandements qui lui et laissée dans son leadership européen de l’OTAN grâce à son porte-avions. Peut-être la France aurait pu aussi pousser à la création d’un centre d’excellence OTAN sur son sol en profitant aussi de l’argent étasunien. Comment y espérer un leadership français quand on sait que la France n’est même pas membre de l’association NSPA pour le naval.

 

Les politiques européens savent pourtant être soudés comme ils l’ont fait envers la Russie, d’une part pour l’armement et la haute technologie et certains dirigeants russes sur certains avoirs suite à l’invasion de l’Ukraine et de la Crimée. Certains avanceront la pression étasunienne et d’autres que la France a fait une erreur mais elle ne pouvait pas montrer un autre visage de fermeté de sa législation sur les exportations sensibles, certes non harmonisées au sein de l’Union, sous peine d’un certain discrédit.

 Les préférences d’achats européens par les pays du centre Europe et notamment la Pologne, doivent être faits en reconnaissance de cela dans une solidarité reconnaissante, oubliant désormais les épisodes malheureux.

 

La Hongrie, qui veut aussi redorer son blason européen, a été fière d’afficher ses récents choix d’achat. Espérons que la Pologne, considérée par beaucoup comme le nouveau « sous-marin » étasunien, et qui rappelle souvent qu’elle avait commandé des avions à la France en 1939 et que le F-16 vole partout en Europe, fera cette fois de même chose pour ses achats, justement, de sous-marins plutôt peut être européens pour la caractéristique particulière des mers froides. 

 

Enfin, peut-être aurait-il été plus judicieux pour la France de en pas répondre avec un impact plus important et en dissant les choses tout en sachant conserver des liens étroits, comme avec certain autres pays.

Réalités militaires, techniques et opérationnelles.

 

Les adeptes de la disruption et des sauts technologiques qui ont fait gagner l’Allemagne en 1870 et en 1940 et ont permis un bond par récupération des technologies nouvelles quasi mâtures, vont aimer lire que le F-35 est un chasseur étasunien de 5e génération, qualifié de difficile à détecter, capable de frapper à longue distance et de représenter une réelle dissuasion surtout pour l’emport de bombes nucléaires étasuniennes en plus des capacités françaises, qui, espérons-le ne seront jamais larguées. Il n’existe pas de bombes stockées en Belgique mais rien n’est impossible. Mais plus que cela, le F-35 n’est finalement pas un avion mais le vecteur d’un système numérique comme désormais pour les fabricants d’automobiles.

 

Il aussi s’agit d’un besoin opérationnel pour la police de l’air entre les chasses occidentales qui se passent notamment le relais des prises en charge des avions russes qui violent aussi les frontières au bord de la manche et de l’Atlantique pour tester la cohérence opérationnelle ou simplement se faire voir. Mais nul besoin ici d’avoir une signature faible et bien au contraire, comme entre un sous-marin nucléaire et d’attaque.

 

Misons sur le fait que ce système numérique soit normé OTAN et non uniquement étasunien qui est une grande différence à la fois au plan de la fabrication comme au plan de sa maintenance, ce qui ne semble pas être le cas. Paris répondra que le numéro deux français de l’OTAN, chargé de la transformation, y veille, sauf quand il n’est pas écouté dans son pays notamment sur la nécessité d’interdépendance plutôt que de lutte, comme nous avions réussi à le faire il y a longtemps pour harmoniser des standards aéronautiques européens et étasuniens afin notamment de pouvoir mieux vendre à l’export. Il en va aussi de l’harmonisation de spécifications,  grand fléau de la gestion de configuration et de la maintenance,

 

Les rétrofits ou remises à niveaux technologiques des avions F-16 étaient bien entendu possibles comme c’est souvent le cas dans l’armement. L’alibi de rupture voulait aller au delà des Rafales et Eurofighter en misant tout de suite sur une nouvelle génération même si non mâture. Espérons, pour ses acheteurs, que les problèmes techniques actuels seront résolus.

 

L’avion de rupture européen verra quant à lui peut-être le jour avec le projet SCAF, entre Dassault Aviation, mono constructeur et Airbus, ayant l’expérience de la coopération civile et militaire et ayant réalisé l’A400M comme un programme commercial sans investissements initiaux. Il se fera dans un projet commun ou un système PSA (Peugeot Citroën), comme créée pour le rapprochement de Nexter et de KMW, chacun conservant ses produits et ses clients tout en partageant infrastructures et savoir-faire, à moins que ce ne soit avec Saab dont les relations avec Lockeed Martin doivent être expliquées.

 

Certains avancent que le Chef d’Etat Major des armées allemandes aurait penché pour le F-35 pour remplacer les Tornado qui emportent les bombes nucléaires tactiques de l’OTAN stockées en Allemagne.

 

N’allons pas non plus penser que la France achètera du F-35, même dans une concurrence intelligente que de toute façon le Etats-Unis ne veulent pas sachant qu’en plus certains marins avaient opté un pour le F-18 plutôt que le Rafale. Pour autant, un centre d’excellence de l’OTAN en France, comme annoncé plus avant, aurait de toute façon accueilli le F-35 sans en acheter.

 

Réalités économiques, industrielles et commerciales.

 

Dans les années 90, on pouvait se poser la question de la logique européenne du F-35 sauf à être un produit spécialement marketté pour organiser un grand pompage technologique et budgétaire de dépendance avec des engagements de participation envers les Etats et les industriels, de la même façon que tout programme réalisé en coopération, comme d’ailleurs le prévoit le plan Juncker industriel de défense qui impose aux Etats d’acheter les programmes financés en amont.

 

On a donc peine à penser que le contrat n’était pas orienté. Pour beaucoup, les cartes étaient faussées car l’appel d’offre désignait un avion comme le F-35 comme quand vous énumérez certaines caractéristiques d’une personne pour la recruter sans la désigner. Une offre de partenariat apparemment non chiffrée a tout de même été déposée par la France, pour sauver la face, le constructeur sachant quant à lui très bien et depuis longtemps que les Belges achèteraient des F-35, comme les Néerlandais.

 

Quand les Etats-Unis vendent, ils offrent souvent du matériel d’occasion en attendant la livraison de matériels neufs, peuvent proposer des financements et même un tarif préférentiel. Notons aussi que nos alliés militaires savent faire sortir les avions français des hangars de certains clients pour y mettre les leurs. Selon les Echos, il ne s’agit que de 34 F-35 mais pour un montant de 85 millions par appareil au lieu de 95 prévus pour le pentagone hors entretien soit 2,9 milliards sur 3,5 engagés, sachant que même Donald TRUMP, qualifie le F-35 de programme non maîtrisé financièrement et sans doute à cause des Européens impliqués ou implicables qui n’ont, à son avis, pas joué le jeu.

 

Face à cela, l’Europe et ses industriels luttent pour réduire les coûts unitaires alors que les étasuniens le font déjà avec leur marché intérieur. Les politiques allemands sont déjà quant à eux habitués aux programmes en coopération couteux. Le Typhoon apparait cher car réalisé en coopération, ce qui est l’inverse que dans le civil. Le prix unitaire du Rafale, autre avion européen, pouvait baisser étant donné les ventes export promises. La France avait proposé un accord cadre de coopération sans prix unitaire indiqué, laissant certes une souplesse et surtout un risque mais également un sentiment de dépendance sans transparence ni débat.  

 

La Belgique, avait aussi le droit, comme le demandent certaines PME face à de grands groupes pour éviter les effets de cavalerie, de préférer un contrat simple qu’un partenariat glissant. Pourquoi le demandait-elle à la Suède dont peut-être le tord n’était de ne pas faire partie de l’OTAN et dont l’Etat s’est  désengagé de ses liens avec son industrie. Il en va de même pour le meilleur choix économique quand on connait les exigences du cahier des charges belges. Certains penseront à un argument alibi pour cacher les pressions étasuniennes.

 

Un autre point majeur, sinon le plus important pour nombre de pays acheteurs, est le fait que vendre un avion militaire est autrement plus compliqué que vendre une voiture. Rappelons que ce sont les industriels qui vendent mais que ce sont souvent les Etats qui acceptent et valident avec souvent des accords cadre et que les contrats d’armement dérogent aux règles du commerce international avec l’imposition de contreparties industrielles (offsets), financières et commerciales qui rendent parfois la vente non intéressante. Rappelons aussi que ces dernières tendent à être supprimées en Europe qui ne protège pas son industrie face aux offres extérieures qui ne ‘en gênent pas. S’il n’est donc pas étonnant que la France ait proposé un partenariat plutôt qu’une vente sèche,  il n’est pas étonnant non plus que la Belgique, qui a un des cahiers des charges en matière d’offsets, ne l’ait pas accepté. Selon certains journaux, les Belges ne voulaient même pas acheter d’avion, un peu comme les Suisses qui ont eu le loisir ensuite de voter et de rejeter le projet, qui au dire d’autres, était attendu. S’agissant du futur achat de sous marins par la Pologne, celle-ci ne pourra cette fois pas blâmer le vendeur de se tromper de région pour les offsets industriels. Incitons donc nos amis belges de se prémunir du coup de théâtre des engagements non tenus pour les offsets qu’ils réclament, ce qui une pratique courante de la part de nos partenaires étasuniens en contrepartie d’un chèque de pénalités car ce qui est fait, même de façon moindre, n’est plus à faire, restant à savoir où il sera destiné.

 

Nous en reparlerons lors de notre prochain cycle de conférence sur « offsets et préférence industrielle européenne », sur la défense, la haute technologie, l’aéronautique et l’espace, afin de trouver de nouvelles règles réalistes et réalisables pour le domaine de la défense mais également la haute technologie et le spatial, en espérant que tous les syndicats professionnels y répondront comme ils avaient été sollicités à le faire lors de l’achat E-2C par la France avec une règle simple à respecter pour un retour identifié vers les PME qui ne liront pas cet article mais doivent être considérées autrement que des boites de petits-poids, obligées de chasser en meute sans le soutien des groupes. Et pourquoi pas.

 

Un marché occulté non moins stratégique et peut-être davantage structurant

 

Sans considérer bien entendu qu’il s’agit d’une meilleure solution de rechange (MESORE) que nous connaissons bien dans toute négociation raisonnée, puisque de toute façon il n’y avait pas d’offre aéronautique, l’armement terrestre (Nexter Arquus Thales) se réjouit quant à lui avec un contrat de « partenariat stratégique » pour éviter le mot tabou de contreparties mais qui peut aussi aller au-delà dans l’imbrication des forces. L’offre claire et acceptée porte sur 442 blindés pour 1,5  million d’euros avec un volet opérationnel, de formation et de maintien en condition opérationnelle (MCO) pour 380 véhicules blindés légers Griffon et 60 véhicules de reconnaissance Jaguar du programme Scorpion, qui semble être reconnu de par son aspect structurant entre plusieurs types de matériels complémentaires.

 

Les retombées belges sont bien entendu prévues, en offsets directs ou indirects pour le groupe CMI qui n’a pas eu directement le contrat par accord et également pour FN Herstal, anciennement rattachée à Nexter pour fournir et assembler des tourelleaux sur les Griffons avec d’autres produits avec ouvertures potentielles sur d’autres véhicules. La presse belge estime 890 M€ de retours dont 60% pour la Wallonie.

 

Reste à savoir maintenant quelle sera l’impact de cette non affaire sur la solidarité européenne et son socle franco-allemand « mais pas que » pour impliquer les autres.

 

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