P. MOSCOVICI : Quelle politique économique européenne après 2019 ? + commentaires F. CHARLES
Pierre MOSCOVICI, (qui n'a toujours pas accepté notre invitation mais dont nous avons facilité l'intervention à ESCP EUROPE), était invité par la Maison de l'Europe et Opendiplomacy (où j'intervenais le mois dernier sur la politique d'armement en France et en Europe) pour parler de la politique économique après 2019.
A la fois dans une posture de Commissaire européen indépendant et réaliste mais défendant ses valeurs françaises et de gauche
Minutes + commentaires FC :
a) Crise économique terminée, emploi repart, réduction des déficits, recul dette publique, sortie prochaine de la Grèce du 3° programme d'assistance
pas qu'un discours mais chiffres à la clé que nous avons publié l'an dernier + document sur l'état de l'Union. Par contre il s'agit d'une tendance générale avec néanmoins des zones toujours un peu ou fortement dans le rouge comme notamment l'Italie et la France avec une Allemagne qui s'envole seule sur la production industrielle
b) Protection de l'euro mais faiblesses zone euro avec divergences notamment entre Allemagne et Italie, déséquilibre macro économique allemand par rapport aux autres, sources d'inégalité, risques politiques avec toujours gagnants et perdants mais tout devient possible quand Paris, Bruxelles et Berlin sont alignés.
Rappel de nos propositions de cloisonnage des "groupes de cohérence" des économies de la zone euro . voir courrier ci-joint. Toujours ce moteur franco-allemand où l'on peut rappeler d'ailleurs l'origine de l'euro dont l'Allemagne ne voulait pas plus que le Royaume-Uni.
c) Scandale démocratique avec 23 personnes de l'Eurogroup pouvant prendre seuls des décisions.
Rappel de notre proposition de créer un sénat des Régions, notamment plus proches de actions et retours financiers notamment sur la solidarité européenne comme le connaissent également certains pays avec leurs régions les régions du nord de l'Allemagne ayant financé les région du sud et la Catalogne espagnole semblant financer les autres régions
d) Réformes opportunes pour protéger, émanciper, solidarité, zone euro : achever l'union bancaire et lever le véto allemand sur la garantie des dépôts; renforcement de la convergence avec un budget de la zone euro et des mécanismes de solidarité dédiés ; ministre de l'économie et des finances de la zone euro contrôlé par le parlement européen; politique de fiscalité avec lutte contre la fraude et l'évasion fiscale en cours, avancées sur listes noires des paradis fiscaux, création de mécanismes avec taxe sur les activités numériques et sur les transactions financières; relever divers défis liés à la défense, aux migrants, à la recherche et l'éducation, doublement Erasmus
Il convient d'achever l'union bancaire mais surtout de s'assurer des garanties entre banques de dépôt et d'affaires qui ont créé la crise de 29. Nous parlerons des mécanismes de solidarité e 17 mai avec Alain LAMASSOURE. Reprise des propos de JCJuncker sur le ministre des finances, avec contrôle par le parlement dont certains membres demandent apparemment de le soumettre à élection; La taxe sur le CA et on les bénéfices, qui peuvent être camouflés, est une bonne chose. Qu'en sera-t-il pour le moteur de recherche français ? Attention Erasmus peut être un piège comme le dit E. Letta. il ne faut pas forcément doubler le budget mais surtout l'étendre à toutes les opportunités. Il existe déjà Erasmus jeunes entrepreneurs. pourquoi pas un Erasmus "santé" pour échanger les bonnes pratiques entre étudiants, notamment sur les approches d'écoute du malade où la France ne veut pas s'investir
e) Inutilité d'un Parlement de la zone euro car le Parlement existe déjà mais il faut imaginer un contrôle budgétaire et pourquoi pas un vote en formation adaptée à la zone considérée (rappel des propos de JC Juncker : nous n'avons pas besoin de structures parallèles ni d'un budget de l'euro distinct mais d'une ligne budgétaire conséquente dédiée à l'euro dans le cadre du budget de l'UE)
PM valide "normalement" les propositions de JCJuncker que de celui d'EMacron sur la structuration de la zone, qui peut d'ailleurs créer un contre feu de la zone hors euro - voir courrier ci-joint.
f) L'harmonisation fiscale est une illusion. La décision à l'unanimité empêche d'avancer sur toute proposition, espoir d'une convergence mais pas par le bas. Combler un vide juridique, combler un trou budgétaire, assiette commune proposée, taxe GAFA sur Chiffre d'Affaires peut combler 50% du trou lié au Brexit à 5 à 8 G€, les taux d'impositions appartiennent aux Etats membres !
Les Français se demandent toujours pourquoi il n'est pas possible d'avancer mais ne comprennent pas cette unanimité réclamée, qui va d'ailleurs dans le sens du "multilatéralisme" d'EM
g) Conserver Shengen, fonds pour la défense, fonds pour l'immigration, faire des traités nouvelle génération pour le commerce et les aides d'Etat; Protectionnisme = nationalisme = guerre; L'Europe d'aujourd'hui n'est pas supranationale, ce sont toujours les Etats membres qui décident. Jamais un projet d'un Etat n'a été bloqué par la Commission alors que le reste est vrai.
N'oubliions pas que Shengen n'est pas un produit de l'UE et que d'autres pays y sont inclus ou associés Attention encore aux mots employés pour la défense. Il s'agit pour l'instant d'un possible budget pour l'industrie de défense européenne et non de fonctionnement pour aller en opération. PM semble plus ou moins valider les aides d'Etat qui peuvent être bonnes et qui peuvent aussi se transformer en aide de l'UE dans le cadre du pot commun.
h) La fédération des Etats Nations reste la bonne formule; une autre Europe pourquoi pas mais pourquoi pas une Europe "Autrement" à partir de l'actuelle mais avec changements radicaux. Il faut que les pro-européens sortent le drapeau de leur poche et une base pro européenne de gauche.
Le mot fédération n'est déjà pas compris de la même façon de chaque côté du Rhin (cf notre conférence sur la gouvernance à ESCP EUROPE). Les pays du centre Europe, avec lesquels nous sommes en relation, ne veulent pas d'une Europe différente mais cherchent à faire valoir leurs idées d'origine qu'ils ne pouvaient pas exprimer alors qu'ils étaient sous l'emprise soviétique mais doivent comprendre qu'il ne peuvent tout remettre en question. Le principe des 3 P (pouvoir, permission, protection) a tout son sens de juste mesure à la fois pour les institutions vis-à-vis des pays réfractaires comme pour ces derniers avec le retour d'expérience du Brexit mais avec un Royaume Uni plus contributeur que bénéficiaire. Enfin, il serait juste d'analyser les questions d'origine du Brexit pour refondre justement certains principes de gouvernance avant de passer à autre chose et éviter toute nouvelle envie de départ. On oublie souvent que la balance peut basculer avec 1 pourcent d'écart et quand on dit que ce sont les Etats qui décident, quelle serait la légitimité à imposer à tel ou tel Etat à continuer à appliquer une politique européenne quand son bord politique a changé de pied ? Mais peut-on peut-être l'autoriser pour l'Allemagne ou la France et pas les autres ?
S'agissant des pro européens, les consultations citoyennes voulues par EM, mais qui existaient déjà par l'UE à travers le mois de l'Europe sans forcément de processus de remontée et mais également par le registre de transparence accessible aux citoyens par les ONG que nous sommes, doivent apparaître en intelligence avec ce mois de l'Europe dans les régions. On peut noter d'ailleurs que la région Bourgogne Franche Comté ne convoque plus l'I.R.C.E., pourtant initiatrice avec 15 événements en 2012, 2013 et 14 pour des raison sans doute personnelles des responsables "Europe" locaux, ce qui n'est pas important étant donné notre transfert d'implantation régionale plutôt à Strasbourg et/ou à Lyon
i) Des sanctions ont été proposées par la CE pour la Pologne, avec notamment suspension des fonds structurels. Les Etats doivent statuer.
Il s'agit surtout ici des principes de fondement de l'identité de l'Union européenne sauvegardées par la Conseil de l'Europe qui va bien au delà de l'Europe. Il convient d'être ferme mais en appliquant la règle de douce violence et non de sanctions fortes dans le bon sens car certains pays pourraient quitter la structure. Par ailleurs, rappelons que la France est loin d'être toujours bonne élève dans de nombreux domaines. On parle de sanctions économiques sur des fonds structurels pour des aspects liés aux droits de l'homme et à la justice, alors qu'il n'en est pas question pour d'autres pays de centre Europe qui achètent des trains chinois pouvant rouler sur des infrastructures payées en tout ou partie par ces mêmes fonds structurels, mais il est vrai que la politique de concurrence est ouverte sans protectionnisme, même relatif sauf pour limiter les conglomérats que redoutent désormais les Allemands et l'absence de concurrence interne, d'où notre proposition de révision, sauf donc par dérogation pour Airbus qui a d'une certaine façon structuré l'Europe. Mieux vaut donc plutôt peut-être sanctionner avec les fonds structurels par manque de solidarité comme nous en parlerons le 17 mai. Mais d'ailleurs, quel serait le vrai impact sur la Pologne qui semble dire, et que nous avons entendu au dîner avec l'Ambassadeur Byrt, que les fonds structurels n'ont été qu'une infime part du vecteur de développement de son économie. Même si le discours a depuis un peu changé Ici aussi, "pas de permission sans protection" et sortir de l'UE ne serait pas un problème pour la Pologne, hyper protégée et déjà en guerre virtuelle, car la défense de l'Europe est l'affaire de l'OTAN avec en son sein l'Union européenne et on voit bien que la Grande Bretagne reste européenne même avec le Brexit et le deviendra peut-être davantage. La Pologne conserverait son esprit européen avec qui veut la suivre en tant qu'autre moteur européen. En coupant les fonds structurels, on ne pourra plus accuser la Pologne d'acheter des avions étasuniens avec de l'argent européen qui, soit est grave si c'est une réalité même si la Pologne communique sur l'achat d'avions en 1939, soit dénote une incompréhension totale des mécanismes de financement. Mais qui est déjà allé vérifié la bonne destination des fonds à part ... nous qui n'avons pu avoir de retour sur deux projets territoriaux d'où nos orientations sur une Commission plus contrôleuse et notamment sur la recherche.. s'il est sans doute bon que certaines pratiques qui n'ont plus vigueur en France ne sont désormais plus acceptées, il est notable de voir le drapeau européen revenu dans les communications officielles polonaises, mais à voir peut-être avec certaines autres lunettes.
Tous ces éléments seront capitalisés dans nos propositions "économie"
ci-joint : courrier à l'Ambassadeur d'Allemagne en France et au Président de la Commission européenne + courrier à l'Ambassadeur de Rep. tchèque
FC
*Membre du Parti socialiste, il est député européen entre 1994 et 1997 puis entre 2004 et 2007, période au cours de laquelle il est vice-président du Parlement européen. Il est ministre chargé des Affaires européennes entre 1997 et 2002 dans le gouvernement Jospin. Il est élu député du Doubs en 1997, en 2007 et en 2012. De 2008 à 2012, il préside la communauté d'agglomération du pays de Montbéliard (PMA).
Directeur de campagne du candidat socialiste François Hollande lors de la campagne présidentielle de 2012, il est nommé ministre de l'Économie, des Finances et du Commerce extérieur en dans le gouvernement Ayrault I, puis ministre de l'Économie et des Finances en au sein du gouvernement Ayrault II. Il devient ensuite parlementaire en mission auprès du Premier ministre de mai à octobre 2014.
Le , il devient commissaire européen aux Affaires économiques et financières, à la Fiscalité et à l'Union douanière au sein de la Commission Juncker.