RE-APPRENONS PENDANT CETTE CRISE SANITAIRE FORCEE
Voici un article qui peut s'appliquer à chaque pays et ses habitants de l'Union et ses voisins et sur notre gouvernance en général sur ses quatre piliers de politique générale.
En ce début de cycle de fêtes religieuses pour les uns et avec des noms différents, qui apportent souvent sagesse de réflexion et d’action, avec cette année cependant une forme particulière de partage confiné, en ce jour normal pour les autres qui peuvent aussi se demander ce qui signifient les vacances, en cette période de fin du monde où nous comprenons peut-être pourquoi le Pape François disait « priez pour moi », apprenons et réapprenons les choses essentielles pour nous et nos organisations.
Par François CHARLES
Economiste, conseil en stratégie et management. président de l'I.R.C.E.
La crise du COVID impacte directement ou indirectement nos vies et modes de vies, nos relations personnelles et économiques dans ce monde moderne plus habitué aux virus informatiques ou ne faisant plus attention aux dégâts annuels de la grippe. Tous les pays ne sont pas confinés soit par choix politique qui devront être assumés, soit par réalités techniques et scientifiques mais surtout culturelles sans forcément représenter des risques pour les autres. Des milliers de personnes dont connues, influentes et donc non à l’abri, disparaissent dans un cycle court. Plusieurs millions d’étasuniens sont désormais inscrits au chômage comme en 1929. Il n’y a plus d’avions dans le ciel, les rues, les avenues, les métros, le TGV sont vides, les commerces non alimentaires et les lieux de cultes sont fermés. Il n’y a plus de repas entre amis pour partager mets et boissons sinon clandestins, voire irresponsables. Mais il existera des surstocks de viande, de lait et de légumes à cause de la fermeture des cantines, restaurants, et des marchés, ce qui devrait d’ailleurs donner des réactions européennes en terme d’agriculture.
Beaucoup de bébés vont sans doute être conçus mais des couples vont aussi se séparer, avec ou sans violences conjugales, comme au moment de la retraite où il faut cette fois vivre ensemble toute la journée. Des familles vont se retrouver entre parents et enfants, entre générations et d’autres se détruire peut-être à jamais. Certaines relations vont se casser par distance, ou par opportunité, loin des yeux loin du cœur, certes avec système de visio mais sans émotions corporelles. D’autres vont ou se créer grâce cette fois aux liens internet entre personnes se connaissant autrement ou ne se connaissant pas, ou reprendre par soucis d’empathie de santé, ou de compassion, ou de remords, voire de pardon, peut-être entre voisins à un mètre de distance, facile et réconfortant pour les uns, plus difficile pour les autres qui aiment toucher leur prochain mais qui évitera désormais bien des jalousies. Et peut-être découvrirons-nous enfin qui participait à l’applaudissement quotidien à Paris depuis les balcons.
Tout le monde ne ressentira pas les mêmes impacts. Impacts dans le domaine de la santé nous rappelant que nous ne sommes pas génétiquement égaux. Impacts psychologiques entre ceux qui ont besoin d’accompagnement notamment par attitudes addictives et de relations en général, par rapport à ceux qui aiment se retrouver seuls sachant aussi que la durée aura peut-être des effets inverses, à ceux qui vont tomber dans la culpabilité et l’angoisse par rapport à ceux qui vont se remettre au piano, au chant et à la peinture. Impacts sociaux entre ceux habitués à vivre isolés ou a minima, parfois exclus socialement avec ou sans aides qui se soucieront peut être moins que les autres du confinement, qui ne se poseront pas de questions de savoir qui inviter ou pourquoi ne pas l’être, qui compatiront aux demandes d’aides ou s’étonneront de ce regain d’intérêts pour eux qui pourra même les faire mieux mourir par contamination. Impacts entre ceux confinés dans 150 m2 ou dans une villa au bord de la mer ou à la campagne et ceux dans 40 m² pour toute une famille, entre ceux qui peuvent se fournir de la chloroquine ou non, entre ceux qui possèdent un ordinateur ou non avec ou non une caméra qui fonctionne sachant que le réparateur ne répond plus, entre ceux qui pourront se déplacer pour raisons professionnelles et sortir du confinement et les autres qui pourront aussi les éviter à cause du risque lié. Impacts moraux entre les personnels soignants exténués et les autres qui auront profité de leur jardin. Impacts financiers et économiques plus forts pour les uns et moindre pour les autres, entre les hauts ou bas revenus avec ou sans risques de salaires. Il existera sans doute des différences de survie, voire de jalousie, entre d’une part les start up ou organismes bénéficiant de financements publiques pour la recherche et les entreprises liée aux marchés de l’Etat, sauf si ce dernier change finalement d’avis par répartition du financement, et d’autre part les entreprises liées au marché privé qui voient leur carnet de commande à zéro et obligées d’offrir des prestations pour maintenir le lien alors que d’autres augmentent le leur du fait de cette situation. Il en existera sans doute entre travailleurs indépendants habitués au télétravail et au risque par rapport aux salariés en général liés à leurs bureaux et leurs trajets souvent pénibles et longs mais qui les emmenaient dans un espace dynamique, comme ce que l’on connait pour les premiers dans les pépinières d’entreprise. Nous verrons peut-être a contrario la confirmation de la fin des open-space avec l’engouement de l’isolement. Il y en aura sûrement entre fonctionnaires et salariés du secteur privé, travailleurs indépendants et retraités.
L’éthique financière du non-profit qui devrait exister en temps de crise sanitaire, comme en tant de guerre, où nous sommes d’ailleurs selon certains, ne sera pas ressentie par tous de la même façon, entre ceux qui débloqueront des fonds pour prendre soin presque par altruisme et ceux qui en profiteront pour racheter les autres ou faire des profits des besoins et résultats de recherche en remerciant même le phénomène sans pour autant l’avoir déclenché.
Certes le confinement s’arrêtera à terme et sans doute progressivement entre régions et Etats, pour des mesures plus ciblées vers les malades ou les personnes à risque comme au départ même si la pandémie va encore durer. Nous avons le choix de reprendrons ou non-nous les anciennes habitudes ? Porterons nous désormais des masques systématiquement quand nous sommes malades, mais pas pour nous prémunir, comme les asiatiques ? Changerons-nous d’identité ?
La liste pourrait être longue et même si les processus de gestion de crise et de prise en compte des éléments fondamentaux seront peut-être renforcés, il n’est pas dit que la solidarité sera plus forte. Pour autant, tentons de réinventer. Certaines choses vont sans doute changer, d’autres choses non. La crise peut nous apprendre à réapprendre. N’ayons pas peur d’utiliser les mots magiques comme ceux de sens et résilience.
Réapprenons à nous connaître et connaître nos organisations et leurs relations, comme pour sortir d’une ornière, souvent malsaine voire de trop grand confort, pour penser autrement et agir autrement comme si nous ne savions plus que nous savons, comme si nous réapprenions, reconnaissions et découvrions nos zones d’ombre pour nous habituer aux situations différentes, nous adapter au stress des situations inconfortables, génératrices de mauvaises substances qu’il faut ensuite éliminer. Rappelons-nous aussi qu’il en est également pareil pour le maître de cordée qui n’est pas devenu superman a l’abri des pièges du haut de ses 20 ans d’expérience. Si, avant, votre objectif était d’aller le plus vite sur la route, imaginez désormais jouer avec votre ordinateur de bord pour gagner à consommer moins. Réapprenons à lire, méditer, écrire même au crayon, pour vous, pour les autres, pour sceller dans le marbre ou mieux oublier ou pardonner ou se défendre. Réapprenons à cuisiner pour soi et pour les autres, à faire notre pain et des gâteaux et tartes en famille, avec une consommation de farine qui a explosé, certes sans oublier les boulangeries restent ouvertes. Réapprenons à découvrir de nouveaux loisirs et métiers, à prendre de bonnes résolutions plutôt que se laisser aller, ce qui peut aussi en être une par un besoin de prise de recul, de lâcher prise et de détachement.
Réapprenons les gestes simples et économes pour consommer autrement comme si nous n’avions plus d’eau, d’électricité, de moyens de transport, d’alimentation disponible partout à profusion en prévision d’une hypothétique crise plus importante d’approvisionnement comme en temps de guerre ou par crainte d’aller au super marché par risques de contamination avec des queues de plusieurs centaines de mètres d’attente sur les parkings.
Redécouvrons l’intelligence de mieux vivre avec les autres, chacun avec son identité mais avec une base de comportement commune, redécouvrons les choses essentielles avec deuil et coup de tamis afin de conserver les éléments positifs. Prenez soin de vous et des autres et découvrant votre côté altruiste. Réapprenons à écouter la nature depuis sa fenêtre ou à 100 m de chez soi pour mieux avoir envie de la découvrir en grand format ensuite de peur de l’avoir perdue. Regardons comme la terre respire à nouveau
Réinventons une solidarité entre métiers et leurs réalités, comme un « vis ma vie communautaire », notamment entre ceux dont c’est le métier de réfléchir, parfois en se trompant et à ceux qui agissent souvent avec risque. Aidons-nous des philosophes mais parfois en sachant revenir sur terre comme les grands groupes industriels devraient le faire mais sachons aussi nous élever et prendre du recul comme devraient notamment y penser bon nombre de dirigeants de petites entreprises pour prendre leurs destins et ceux de leurs salariés sans trop attendre la providence et surtout les financements, souvent par copinage finalement infidèles, des grands donneurs d’ordre et de l’Etat. Réapprenons les processus dans les organisations et les entreprises et sur le partage des risques entre grandes et petites entreprises ainsi qu’avec l’Etat et les banques.
Réapprenons la capture et l’analyse de l’information avec discernement et équilibre pour éviter toute orientation négative notamment de certains influenceurs qui profitent de certaines situations, tout en gardant une possible et potentielle liberté d’expression, d’écoute et de réaction d’interrogation de critique constructive face à certaines mesures ou orientations. Réapprenons l’utilisation du téléphone par la voix et ses émotions au-delà des images et des mots parfois sans saveur.
Réapprenons la recherche fondamentale qui doit chercher sans forcément trouver avec possible communication universelle, et surtout l’innovation qui doit pouvoir s’appliquer rapidement, en utilisant, pour l’une comme pour l’autre, les éléments connus ayant fonctionné ou non avec cette fois capitalisation et valorisation de l’explication des failles avant de passer au prochain financement et bénéficier de meilleurs terreaux, ainsi que les méthodes disruptives à découvrir avec les nouveaux outils d’intelligence pour savoir s’il faut soigner le mal ou son origine ou son environnement, ou souvent les deux comme quand on s’attaque à un feu de forêt. Il s’agira de gagner du temps et de l’argent notamment en cas de crise même si l’effort de guerre est souvent aveugle comme pour les opérations militaires extérieures. Faisons-le néanmoins avec éthique sans forcément freiner la prise de risque et désormais sans lutte de pouvoir entre structures et en solidarité européenne pour avancer plus vite, et pourquoi pas dans une compétition positive et constructive, forme de guerre non destructrice, faisant avancer les progrès dans tous les domaines.
Réapprenons que rien ni personne n’est réellement à l’abri de quoi que ce soit, principe premier de l’assurance, comme si demain était différent sans forcément vivre de rêve. Nos comportements peuvent bien souvent éviter une garantie sauf si réglementairement obligatoire. Nous devons réapprendre la relation avec l’Etat, qui est son propre assureur, peut très bien ne pas remplacer certaines activités endommagées, doit être présent et fort avec confiance de la population, même et surtout en situation extraordinaire. Il doit veiller que les solutions à la crise ne remettent pas forcément en cause les notions de qualité, de normalisation et de certification mais peut ouvrir leur flexibilité contrôlée. Il doit réapprendre à dire la vérité ou en cachant d’autres et assumer des tâches régaliennes mais aussi humaines, comme il devrait en prendre pour financer des personnes à remplir les déclarations d’impôts sous format numérique pour le compte de certaines personnes ne pouvant s’y adapter plutôt que les y obliger.
Réapprenons la santé avec ses dimensions humaines, techniques et scientifiques avec valorisation des systèmes pour les populations, dont certains ne sont pas non plus infaillibles et parfois culturellement inadaptés, avec également une vraie notion de partenariat éthique public privé comme ce n’est apparemment pas le cas entre hôpitaux et cliniques. Sachons prendre les décisions en toute responsabilité et connaissance de cause des risques comme quand le radium était vendu en pharmacie comme médicament universel, mieux que l’Elixir des moines, avant de nous apercevoir de sa nocivité.
Réapprenons la liberté de déplacement qui n’est plus la norme actuellement, en prenant conscience de ceux qui n’en disposent pas, de la possibilité du dialogue politique, de pouvoir voter quand d’autres ne le peuvent pas, de la possibilité de dire non face à ceux qui ne l’entendent pas ou réagissent par la violence, ne respectant souvent pas les règles de droit. Réapprenons le discernement plutôt que le mot magique de la bonne foi et sa toute puissance
Réapprenons l’Europe, son identité, ses réalités, ses besoins stratégiques, ses options de fonctionnement mesurables, accessibles, réalistes, réalisables et déterminées dans le temps, la relation entre institutions, états et peuples européens avec une vraie prise de conscience comme il l’a été fait pour les migrations, hélas après crise, et pour les récents objectifs climatiques.
Là aussi, la liste peut être longue. Profitons-en avant de possibles prochaines guerres économiques ou militaires suite aux blâmes potentiels et prises d’avantages des mondes peu touchés ou sortis du confinement par rapport à ceux vivant encore violemment la crise. Espérons que ce confinement de sera pas l’apprentissage à de prochains conflits bactériologiques et nucléaires que même Dieu, et quel que soit son nom autour de la planète, ne pourra lui-même arrêter si cela est écrit. Mais nous aurons au moins essayé de mieux vivre.