Les solutions de respect des règles budgétaires européennes et nationales
Au lendemain de la baisse de note de la France, qui n’a rien de catastrophique, mais qui alerte comme quand un restaurant perd une étoile, l’UE en rajoute une couche en avertissant certains pays de la zone euro dont la France, notamment en pleine interrogation politique, qu’ils sont en infractions quant aux règles des 3% et 60% du PIB pour leur déficit et leurs dettes avec risque de pénalité. Après un certain nombre de réalités, profitons-en pour nous poser la question du pilotage financier de l’UE, de la solidarité de partage des risques, un des mots les plus importants de la construction européenne, ainsi que des possibles solutions de sécurisation et de dissolution... cette fois-ci des dettes nationales et européennes dans certaines conditions.
Par François CHARLES
Economiste, expert stratégie et management, ancien responsable politique industrielle européenne à la DGA, président de l’Institut de Recherche et de Communication sur l’Europe (I.R.C.E.)
En passant à l’euro, l’objectif de la France était surtout de rester collé à Berlin avec certaines contreparties, comme elle tente encore de le faire aujourd’hui pourtant avec la même monnaie. Elle accuse désormais 3100 milliards de dettes, dont 1000 milliards générés pour 1 million d’emplois créés mais avec des déficits de 150 GE par an depuis 2022 alors que sa voisine fait partie des pays frugaux. Lors de la crise Covid, elle a pourtant financé des investissements plus que de la trésorerie, comme en 2008, alors que sa voisine a plutôt été cautionnée par l’UE pour avoir fait le contraire. A se demander s’il fallait jouer une partition spéciale. Les Gouverneurs des banques centrales dont la BCE rassemblés en juillet au Portugal, désormais pays « relevé » s’interrogent peut-être aussi sur la validation des différents plans de relance et leur pilotage.
Rappelons que le traité de Maastricht de 1992 a avancé un pacte de stabilité adopté en 1997 engageant les Etats-Membres adoptant la monnaie unique de maintenir leur déficit et leur dette publique en dessous de 3% et 60% de leur PIB. Après assouplissement due à la crise du Covid, puis au soutien à la guerre en Ukraine, un nouveau règlement a vu le jour en 2024 dans une politique d’assainissement tout en prenant compte des réalités de la dette. Des pénalités sont prévues mais n’ont par le passé jamais appliquées car trop lourdes et risquant d’alourdir davantage le fardeau alors que des gels de fonds peuvent être réalisées par manquement de règles de droits.
La France comme un certain nombre de pays comme l’Italie, la Belgique, la Hongrie, la Pologne, la Slovaquie et Malte se trouvent donc épinglés pour dette glissante et durable et non exceptionnelle, comme on peut aussi l’identifier en comptabilité d’entreprise. Elle est donc invitée à présenter un plan d’assainissement pour réduire notamment des 53% de dépenses publique et ses 110% de dette structurelle avec un risque de sanction financière d’environ 2,5 milliards d'euros soit 0,1 % du PIB chaque année.
Les différentes élections à travers l’Europe dévoilent souvent des cycles peu cohérents entre pays, soit dans des politiques d’austérité mais d’investissements industriels de création de richesse, soit de budget plus tournés vers le fonctionnement et les infrastructures avec leurs avantages et leurs risques liés. Les endettements sont parfois dus au cofinancement nécessaire des fonds structurels surtout si une crise traverse le pays à ce moment là mais là encore, les réalités sont bien différentes d’Est en Ouest et du Nord au Sud.
Le budget français était un des enjeux, voire des causes, des élections législatives anticipées. On peut se demander si E. Macron n’avait en fait pas eu envie de donner le pouvoir au RN par crainte du désordre de la gauche, avec un budget difficile mais plus cohérent, plutôt qu’un programme idéologique de gauche comme en 1981, qui devra ensuite changer de braquet pour ne pas être supporté par le FMI, voire même les frugaux allemands comme ils l’avaient fait pour permettre à la France de rester dans l’ancien cadre financier demandé afin de passer à l’euro, en solidarité de complaisance mais surtout pour valider sa réunification conditionnelle. Mais le fera-t-elle avec mille milliards de dettes, sauf peut-être à revenir sur les retraites, elles aussi peu cohérentes avec le reste de l’Europe, ou autres avantages sociaux, voire fiscaux.
Par ailleurs, l’UE sait-elle aussi prendre conscience de certains chiffres la concernant et certaines décisions prises ? Pour mémoire, énumérons dans le désordre le vertige des chiffres au niveau européen jusqu’en 2021 à la fin de la période COVID.
Un fonds de 20 milliards d’euros créé par la BEI pour les PME sur fonds propres avec l’appui partiel du budget de l’UE, qui attribue(ra) quant à lui 29 Mds d’€ dont 8 issus des fonds de la politique de cohésion non utilisés et garantira également le Fonds européen d’investissement (FEI), qui fournira des liquidités à au moins 100 000 entreprises, dont PME. Par ailleurs, les Etats pourront puiser 28 Mds dans les nouveaux budgets de cohésion. Le Fonds de solidarité de l’UE devait pouvoir apporter un soutien aux États membres touchés par des crises sanitaires publiques.
La Commission européenne a adopté des règles temporaires en matière d’aides d’État afin que les gouvernements puissent injecter des liquidités dans l’économie et préserver l’emploi dans l’UE avec une flexibilité sur les règles budgétaires de déficit. La Banque Centrale Européenne devait compléter son premier programme de 120 Mds par un second à 750 pour l’achat de titres privés et publics pendant la crise. Un point important concernait le filtrage des investissements directs étrangers et les acquisitions de contrôle ou d’influence pour protéger les technologies et actifs européens critiques dans le contexte de la crise actuelle.
Les montants sont extravagants sans être non plus exhaustifs : Aux 750 milliards d'euros du plan de la BCE initié par le duo Merkel-Macron, l’une devant sécuriser et l’autre aller sur les marchés, plus 600 milliards ont été ajoutés, auquel il faut rajouter 200 milliards annoncés par la Banque Européenne d’Investissement (BEI), en plus de l'ex plan Jüncker, sans oublier les quelques 2 800 milliards déjà engloutis par le Quantitative Easing de Monsieur Mario Draghi.
Si vous suivez encore, s’agissant de la recherche, la Commission a mobilisé jusqu’à 140 millions d’euros pour mettre au point des vaccins, de nouveaux traitements, des tests de dépistage et des systèmes médicaux. Dix-sept projets associant 136 équipes de recherche ont été sélectionnés pour bénéficier d’une enveloppe de 47,5 millions d’euros au titre du programme Horizon 2020 dont en matière de médicaments innovants à hauteur de 45 millions d’euros, qui doit être complété par l’industrie pharmaceutique. Un appel de l’Accélérateur du Conseil européen de l’innovation pour un montant de 164 millions d’euros a attiré un nombre important de jeunes entreprises et de PME. Un nouveau dispositif est désormais en route pour mieux franchir la « vallée de la mort » mais surtout avec une capacité d’investir en haut de bilan pour les projets « non bancable », qui a sans doute donné l’élan à de nombreuses autres idées.
Le 14 avril 2020, le Conseil a adopté deux modifications afin de fournir un soutien supplémentaire là où il est le plus nécessaire. En particulier, un montant de 3,1 milliards d'euros a été alloué à la lutte contre la pandémie de COVID-19 soit l'intégralité des fonds restant du budget de cette année et un soutien de 350 millions d'euros est alloué à la Grèce pour l'aider à faire face à l'augmentation de la pression migratoire. Le Conseil a également approuvé une proposition de la Commission visant à allouer au Portugal, à l'Espagne, à l'Italie et à l'Autriche une aide d'urgence pour catastrophe d'un montant de 279 millions d'€. La proposition s'accompagna du projet de budget rectificatif n° 4 pour l'exercice 2020. L'argent, acheminé via le Fonds de solidarité de l'UE, servit à réparer les dommages causés par les catastrophes naturelles majeures qui ont frappé ces quatre États membres en 2019.
Et cette liste établie n’est pas actualisée et pourrait être augmentée de Repower EU, Invest EU, le projet de fonds de souveraineté etc… Faut-il donc en vouloir à certaines décisions budgétaires dans cette UE unie dans la diversité qui certes doit aussi consolider un bloc commun. Où en est-on sur une agence européenne de notation sauf à nous faire apprécier par nos partenaires étasuniens, certes qui ont introduit le métier, comme certains anciens collègues me l’ont dit quand nous travaillions sur une dynamique d’audit « européenne ». Le lien avec les GAFAM peut être vite fait.
Le risque de bulle financière est réel et doit être maitrisé tout en sachant qu’elles ne font plus forcément peur. Les cycles d’hier sont identiques mais raccourcis. Nous vivons en une semaine ce que nous vivions en un an auparavant et que le coût de l’argent peut-être à nouveau rapidement attractif, comme ne plus lêtre. Les crypto monnaies consolident le monde virtuel, désormais aussi avec l’euro.
En dehors de la zone euro, qui va peut être durer éternellement alors qu’elle ne devrait plus exister si l’on considère les traités, les taux d’inflation subissent eux aussi des cycles plus fluctuants car non protégés par l’euro, mais qui peuvent aussi revenir à la normale grâce notamment à la situation du plein emploi, mais désormais à la recherche de travailleurs.
Nous sommes loin des équilibres traditionnels avec des événements exceptionnels venus perturber le fonctionnement et le développement normal mais avec des décisions qui peuvent sanctionner des politiques jugées inopportunes.
Il convient vite de traiter la face cachée de l’iceberg en évitant une trop grande généralisation avant que celui-ci ne se retourne et face mieux apparaitre les réalités de cette Europe encore unie dans la diversité.
Une première solution est de créer des groupes de cohérence économique avec des objectifs et des indicateurs de traitement spécifiques, déterminés et suivis par la Commission et les Etats-membres, afin d’éviter de partager les contagions, leurs causes et conséquences tout en maintenant un objectif global.
La deuxième est de bien identifier et d’isoler la dette avec séparation des éléments acceptables et inacceptables en séparant le bon grain de l’ivraie et comptabilisant ce qui peut être classé comme dette saine à traiter ou douteuse à reclassser.
La troisième sera ensuite de financer cette dette par des outils innovants ou ressortis des cartons comme par exemple la titrisation gérée de façon globale et solidaire avec un maximum d’acteurs concernés. Cette dynamique pourra être accompagnée notamment par la Banque Européenne d’investissement et ses outils performants mais aussi par sa nouvelle dynamique dans des domaines duaux instiguée par la douce violence de la Commission..
La quatrième serait d’assurer cette fois un réel pilotage et de trouver d’autres mesures que les sanctions financières, comme par exemple accorder des aides d’Etat européennes venant d’états membres ou en réduisant ou réorientant le montant des fonds de solidarité. Evitons certains investissements étrangers intéressés de haut de bilan comme proposés lors des crises financières avant Covid qui pourraient en profiter pour s’installer en cas de non remboursement.
La cinquième serait - enfin - de créer une notation de l’UE, par une agence indépendante mais au sine de l’UE, pour rassurer les Etats-membres et les marchés.
La liste n’est ici non plus pas exhaustive