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Publié par I.R.C.E. - Institut de Recherche et de Communication sur l'Europe - Le Think et Do Tank des dynamiques européennes

Paris, le 27 novembre 2019

 

Mme Margrethe VESTAGER

Vice Presidente Executive

Commission européenne

Rue de la Loi, 200

B – 1049 BRUXELLES

 

 

            Madame la Vice-Présidente

 

            Nous nous sommes parlés à Strasbourg lors du vote final pour l’équipe de la Commission européenne. Je me permets de vous écrire en français que vous comprenez. English courtesy translation by request.

 

Comme je vous l’écrivais déjà le 3 juin dernier, l'Institut de Recherche et de Communication sur l’Europe (I.R.C.E), organisme associatif indépendant, apolitique et généraliste, œuvre sur les politiques publiques et les dynamiques entre acteurs à travers de nombreux sujets de gouvernance et de thématiques particulières par des publications, des études, des événements, des idées et des projets généralement reconnus innovants considérant les réalités et les options mesurables, réalistes, réalisables et déterminées dans le temps.

 

Dans une approche constructive, à charge et à décharge et avec une méthodologie originale allant de la stratégie à la psychologie issues des plus grands cabinets de conseil en stratégie et management, nous recherchons «ce qui est bon pour l'intérêt général européen» tout en considérant les aspirations de chacun de ses membres avec généralement l’identification des éléments communs et la considération des différences à prendre en compte à valoriser sans blâmer. Nous sommes en relation avec le monde étatique et parlementaire, l’écosystème scientifique et industriel, les ambassades et avec de nombreuses DG et agences européennes, permettant des échanges transverses, la valorisation et l’optimisation des processus.

 

La concurrence est un domaine clé, voire fondateur de l’Union dans la protection du consommateur pour lui garantir des choix notamment de qualité, des prix raisonnables ainsi qu’une certaine éthique. Elle ne doit pas oublier les réalités qui font que l’Europe peut aussi être protégée dans ce qu’elle sait imaginer, concevoir, développer, fabriquer et vendre en profitant de son marché intérieur comme des opportunités externes. La notion de champions européens n’est pas forcément et historiquement acceptée par toutes les nations mais ces derniers peuvent tirer profit de certaines dynamiques industrielles comme Airbus, qui pour certains a créé l’Europe, certes dans un environnement bienveillant et sans désormais concurrence interne. Un champion est également d’autant plus acceptable s’il sait faire travailler son écosystème de partenaires et sous-traitants de façon transverse dans une certaine dépendance et interdépendance de segmentation en impliquant, couvant, accompagnant, protégeant un certain patrimoine stratégique et pouvant, devant, lui-même se protéger. Les initiatives privées et publiques ou de prise de relais sont souvent combinables au sein de cycles économiques. Il doit également pouvoir intégrer certaines interdépendances extérieures avec responsabilité, veille et intelligence.

 

 

Certains domaines stratégiques, déjà définis enfin en France, devraient l’être dans d’autres pays d’Europe comme ils devront l’être au niveau des institutions notamment pour répondre aux nouvelles initiatives de politique industrielle d’investissement en capital par les institutions pour les entreprises porteuses de projets à risque et stratégiques soutenus par l’EIC. Nous avons appris avec plaisir dans une réponse du Commissaire Hogan, que la Commission allait regarder plus attentivement les orientations des investissements étrangers dans l’Union européenne notamment chinois avec certaines questions: Connaissons-nous les Chinois ? Nous connaissent-ils ? Quelle est leur stratégie et leur politique générale ? Que faut-il comprendre ? Comment vendent-ils ou achètent-ils en Europe ? Que peut-on vendre ou acheter ? Devons-nous nous méfier de l’argent chinois ? Devons-nous en profiter pour nous connaître nous-mêmes, définir nos forces, renforcer nos faiblesses ? Faut-il commercer, se protéger, arrêter, canaliser et dans quels domaines ? L'Europe est-elle l'enjeu ? Quelles actions et réactions stratégiques et opérationnelle actuelles et potentielles de l'Europe unie ou segmentée ?

Parmi ces domaines stratégiques, citons l’industrie de défense qui pose des questions de compétition interne et externe mais également en réalité ceux nécessitant un regard particulier comme par exemple le ferroviaire, les télécommunications, l’énergie ou l’espace où peuvent être posées les questions de savoir si nous possédons ou non les produits attendus par les clients, s’ils sont trop chers ou s’il s’agit simplement de considérations géopolitiques.

 

Certaines questions peuvent être posées : quelle pourrait être la notion de préférence européenne raisonnée, portant, comme en négociation, sur les faits et non catonnée aux positions ? Faut-il un Buy European Act ? Avec quel dosage et officialisation de contreparties ? Libre commerce, obligation de transparence ou quelle protection sans forcément fermer nos frontières ?  Quelle évolution des règlements (directive 2009, OMC…) et des mentalités ? Sur quels domaines stratégiques ? Peut-on en profiter pour segmenter l'industrie européenne au sein de l'Union pour la rendre plus forte face à la concurrence et aux besoins internes et externes ?

Aujourd'hui la directive 2009 sur les marchés de défense et de sécurité n'est pas respectée, comme le constatent les Etats-Unis considérant que certains marchés ne sont pas communiqués dans les marchés publics (contraire aux directives) et que les offsets, contraire aux règles internationales) courent encore en Europe, certes facilitant certaines coopérations. L'objectif pour la France, comme des principaux Etats industriels, est de continuer à vendre tout en protégeant ses industriels et ses PME. Afin de faire respecter cette directive, qui n'empêche d’ailleurs pas les non-européens de vendre en Europe avec contreparties, une solution consisterait à instituer un Buy European Act, apparemment « vieille idée française », sur les marchés de défense, de sécurité et de haute technologie donnant une préférence relative intra-européenne et notamment pour les PME, sans fermer les frontières (que ne veulent de toute façon pas les Allemands surtout dans ce domaine), avec par contre des exigences simples, réalistes et réalisables demandées aux non-européens sans froisser et en interdépendance avec les Etasuniens qui détiennent déjà ce genre de modèle.

 

            Ce Buy European Act, « raisonné », qui va néanmoins à l'encontre des principes « free trade » initiaux de la Commission européenne, pourrait être accepté dans un équilibre d'ouverture et de protection, en nous donnant d’une part l’occasion de nous reposer plusieurs fois les bonnes questions de solidarité, de recherche ou non d’autonomie, d’existence de solutions, de moins ou de mieux disant ou de considération géopolitique, avec des choix faits en connaissance de cause (avons-nous, devons-nous, à quel prix, est-ce un choix opérationnel et/ou géopolitique) et d’autre part en officialisant également une part minimale d'offsets sur la fabrication et la maintenance, qui sont aussi des vecteurs de coopération entre PME si elles le font elles-mêmes, pour mieux les réduire sans imposer leur disparition (évolution de la position française de 1995).

Des compensations pourraient-être également accordées dans le civil pour les pays d'Europe qui n'en réclament pas au niveau industriel et avec un fort coefficient pour les compensations accordées à l'éducation et à l'enseignement supérieur. Une gestion globale avec juste retour au niveau européen des offsets industriels serait réalisée en commun au niveau européen par l'agence de défense ou par les industriels d'un même secteur, voire de tous secteurs confondus, avec une comptabilisation de juste retour ou de retour industriel sur un programme donné.

Aussi, j’aurai plaisir à lire ou entendre votre réaction lors d’un échange à Bruxelles, voire lors d’un événement que nous envisageons d’organiser à ce sujet, ou à travers d’autres travaux potentiels.

            Restant à votre disposition, veuillez agréer, madame la Vice-Présidente, mes respectueuses salutations.

 

 

 

François CHARLES

Président    

fcharles@irce-oing.eu

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