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Publié par I.R.C.E. - Institut de Recherche et de Communication sur l'Europe - Le Think et Do Tank des dynamiques européennes

Même si certains dirons que c’est un détail et que le fond du problème n’est pas ici, la communication a toute son importance dans la construction européenne, notamment sur le choix des mots, sigles, noms tombés parfois dans le langage commun, ou des métaphores qui visent à marquer nos esprits, unis dans la diversité, afin de gagner du temps en explication. Attention toutefois à en bien maitriser le sens, surtout dans la maîtrise de certaines réalités.

 

Par François CHARLES

Economiste, conseil en stratégie et management, ancien responsables d’affaires industrielles européennes et internationales à la DGA, Président de l’I.R.C.E.  fcharles@irce-oing.eu 

 

Comme nous le voyons en franco-allemand, la confiance si fragile souvent passe par la compréhension des mots et surtout des possibles sous-entendus. Sans se rappeler que le chant du coq, paraissant si lointain de la politique, est perçu différemment à travers l’Europe, certains anciens élus français s’étonnaient encore de la difficulté vécue d’avoir pu faire passer le Fonds Européen de Défense, ne cherchant pas à mettre d’autres lunettes et ne voyant donc pas non plus, ou ne voulant pas voir certaines réalités, certes en évolution, de la défense européenne en dehors de certaines forces motrices. Son initiateur avait juste oublié volontairement ou non les mots « recherche » et « industrie » pour bien cadrer l’action, certes peut-être compensé par le mot d’introduction uniquement allemand laissé à appréciation.

 

Depuis la mise en place de la nouvelle Commission européenne à orientation géopolitique, un vent nouveau souffle sur la notion de concurrence, de souveraineté et d’autonomie stratégique et il convient de l’orienter avec soin. A l’instar des lois anti trust étasuniennes, reprise volontiers par certains pays d’Europe, la Commission veille toujours que cette concurrence nécessaire et souvent salvatrice soit présente dans un univers clos pour laisser le choix aux acheteurs en régulant notamment les prix et alimentant la compétition technologique. Communiquant sur de nombreuses acceptations, elle doit néanmoins ajuster son regard sur certains dossiers significatifs stratégiques quand les offres ou les achats potentiels externes existent et ne doit donc pas forcément empêcher la formation de champions poussés par leurs états de tutelle dans une logique de stratégie industrielle et aptes à lutter efficacement, même s’ils peuvent certes être créés de circonstance par coopérations ou alliances, ce qui semble bien difficile à réaliser dans certains secteurs.

 

Le débat sans fin de savoir qui d’Airbus ou de l’Europe a aidé à créer l’autre rappelle que la solidarité européenne est possible face à une concurrence extérieure attaquant un domaine de souveraineté, notamment partagé, et surtout grâce à des dirigeants convaincus et guidés notamment sur une logique de rationalisation et de baisse des couts unitaires de production. Il convient de ne pas oublier qu’en dehors des moteurs, Airbus est validé en Europe, avec ou sans aides d’états, souvent mises en avant par les concurrents étasuniens, n’existant plus de concurrence interne sur cette gamme particulière de fabrication. Quant au choix du consommateur final, sans doute est-il respecté dans le fait qu’Air France utilise aussi bien des Airbus que des Boeing et donc n’empêche pas leurs achats ainsi que certains autres appareils européens d’autres gammes pour les vols régionaux. Pourquoi même ne pas imaginer un possible Buy European Act raisonné, sous peine du risque d’en supporter un certain coût d’autonomie même à coût objectif, livre ouvert, bonus et malus pour une aéronautique qui demeure dans le domaine des souverainetés et où l’on n’imagine pas qu’une flotte nationale avec son pavillon ne soit pas composée de tout ou partie d’appareils fabriqués sur son sol. Peut-être faudrait-il aussi se poser la question sur les services de maintenance au-delà de la fabrication. Employer ce terme Airbus pour les trains, des navires, des batteries, l’énergie devrait donc être réalisé dans les mêmes conditions dans des secteurs civils jugés moins stratégiques sauf l’énergie qui reste encore la décision des Etats. Mais si l’entreprise Airbus fait la guerre tous les jours dans le civil, il est possible de l’employer aussi dans les domaines militaires terrestres, navals et aéronautiques avec des objectifs souvent proches mais avec des réalités différentes parfois sans réelle justification mais qu’en pensera d’ailleurs Airbus…

 

Sans doute devrions- nous porter la même attention pour l’emploi du terme plan Marshall demandé récemment comme exemple par le Commissaire français T. Breton sur le tourisme, sans forcément attendre la fin de la guerre du Covid, pour le reprendre les mots du Président français. Doit-on aussi l’employer pour une crise et surtout pour une action européenne sauf à penser qu’elle serait aussi financée par les Etats-Unis pour cette fois des touristes essentiellement étasuniens ? Notons toutefois que la reconstruction a été un modèle de remboursement entre pays, certes sans la participation des pays du Centre Europe par refus de Staline.

 

Et pourquoi ne pas en employer d’autres noms, termes, métaphores souvent peu connus ou alors d’initiés qui sont souvent des modèles reconnus pour l’Europe dans la gouvernance ou la réalisation de produits, sauf à penser que ce constat n’est pas partagé par tous.

 

C’est le cas par exemple d’Ariane succès industriel spatial stratégique éprouvé, en concurrence avec les programmes d’autres pays, où les négociations furent importantes dans la répartition des tâches, notamment dans la propulsion.

 

Pourquoi ne pas aussi parler de l’ESA, agence spatiale européenne, qui n’est pas une agence de la Commission européenne mais intergouvernementale entre une vingtaine de pays européens dans un domaine stratégique avec un  modèle de gouvernance éprouvé.

 

Connaissez-vous l’OCCAR, organisation conjointe de coopération en matière d'armement, européen d’origine franco-allemande à vocation internationale, accueillant notamment la participation de la Turquie sans qu’elle en soit membre, souvent également prise pour une agence de la Commission, œuvrant en management de programmes d’armement terre, air et mer avec un modèle fort et global, parfois pourtant attaqué, pour assurer le succès de ses objectifs dès qu’ils lui ont été confiés.

 

Enfin, le monde industriel stratégique et surtout de défense, confronté aux considérations de souveraineté et si possible européenne, aurait tout à gagner de s’inspirer du modèle  PSA, Peugeot – Citroën, afin de faciliter, dans les esprits, le rapprochement d’entités à forte identité protégées, comme nous l’avons cité dans le terrestre pour l’entreprise conjointe KNDS avec des marques, des histoires, des technologies, des clients différents, avec une certaine concurrence interne même salvatrice, en sachant toutefois rassembler leurs bureaux d'études pour gagner de nouveaux marchés nationaux, européens et internationaux puis aboutir a progressivement à une osmose entre les équipes.

 

D’autres noms symboliques peuvent être avancés avec parfois une fierté identitaire de posture de monopole par essoufflements budgétaires technologiques des concurrents comme le Concorde. D’autres encore attendent une certaine maturation comme Galliléo en remplacement ou complément du GPS étasunien. Enfin, et avant d’en utiliser le terme, regardons aussi les réalités des GAFA(M) en réelle ou fausse indépendance géopolitique cassant la concurrence par les prix, devenus plus forts que certains états, avec des initiatives industrielles de substitution notamment dans des secteurs stratégiques et pourquoi pas demain la défense et contrôlé par qui ?

Doit-on reprendre les termes d’Airbus, de plan Marshall  et pourquoi pas d’Ariane, ESA, OCCAR et de PSA en Europe ?
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