Rappel des ambitions initiales de la Commission géopolitique d’Ursula von der Leyen
Un vote peut en cacher un autre en 2024 : celui du chef de la Commission européenne qui sera validé par le nouveau Parlement qui est loin d’être défini même si le grand parti PPE semble en assurer une certaine stabilité mettant désormais certains bémols. Qui se souvient des ambitions de 2019 avec une Présidente validée du bout des lèvres par la vague écologiste de l’époque, dans une Europe géopolitique inscrite dans les lettres de mission aux Commissaires, avec déjà des idées fortes partagées ou reprises. Elle n’imaginait pas le coup de pouce du Covid et la guerre en Ukraine qui ont lancé une politique générale ambitieuse, encore fallait-il en réussir l’examen de passage. Entre réalisations, défaut et rajouts, sans forcément parler de mort cérébrale ni guerre de sécession, et avant une prochaine analyse, chacun appréciera avec ses lunettes l’atteinte des objectifs ainsi que nos travaux et communications réalisées pendant ce quinquennat validant, commentant ou améliorant ce programme.
Par François CHARLES
Economiste, expert stratégie et géopolitique, président de l’Institut de Recherche et de Communication sur l’Europe
Une des définitions de la géopolitique (du grec γη « terre » et πολιτική « politique ») pourrait être l'interdépendance entre le positionnement géographique d'un Etat, de son groupe d'appartenance, de ses voisins, de son continent et prochainement de l'espace avec ses conséquences économiques, industrielles, climatiques, relationnelles, politiques, militaires, environnementales, sociales, humaines ... avec des réalités sont différentes si l'on possède de l'eau, du pétrole, des terres riches ou pauvres, des sources d'énergie, un accès ou non à la mer, si l'on est plutôt peuple des plaines ou des montagnes, si l'on possède un ou 10 voisins, si ce ou ces derniers sont de petits ou de grands pays. Il ne s’agit pas qu’une notion de relations extérieures, mais ce que cela fait à l’intérieur se voit à l’extérieur. Rappelons les grandes lignes énoncées en 2019 par l’actuelle Présidente de la Commission en termes de fonctionnement et de sujets thématiques, bien au-delà des seuls pacte immigration, du climat, de l’économie et de la vigilance qui semblent attirer les projecteurs.
1) Un pacte vert pour l’Europe : devenir le premier continent climatiquement neutre au monde, étendre le système d’échange de quotas d’émission, instaurer une taxe carbone aux frontières, faire une économie parée pour l’avenir dont industrielle comme nouvelle stratégie. Etablir un plan d’investissement pour une Europe durable, convertir une partie de la Banque européenne d’investissement (BEI) en Banque européenne du climat, établir un plan d'investissement pour une Europe durable qui soutiendra les investissements à hauteur de mille milliards d’euros sur les dix prochaines années, porter si possible à 55 % l’objectif de réduction des émissions de l’Union européenne d’ici à 2030, de façon responsable, présenter une stratégie en matière de biodiversité à l’horizon 2030, soutenir nos agriculteurs grâce à une nouvelle stratégie de la ferme à l’assiette pour une alimentation durable, être en pointe sur la question des plastiques à usage unique.
2) Une économie au service des personnes : avoir une Europe plus ambitieuse en matière d’équité sociale et de prospérité, mettre en avant notre modèle européen unique d’économie sociale de marché, soutenir les petites entreprises, avoir une stratégie spécifique pour les PME, parachever l’union des marchés des capitaux, créer un fonds public-privé spécialisé dans les introductions en bourse de PME. Approfondir notre Union économique et monétaire, création d’un instrument budgétaire de convergence et de compétitivité pour la zone euro, exploiter pleinement la souplesse interne du pacte de stabilité et de croissance, achever l’union bancaire, créer un système européen d'assurance des dépôts, renforcer le rôle international de l’euro. Faire que le Parlement européen parle d’une voix plus forte sur les questions touchant à la gouvernance économique de notre Union, présenter un plan d’action pour la mise en œuvre intégrale du socle européen des droits sociaux. Proposer un instrument juridique destiné à faire en sorte que chaque travailleur au sein de l’Union européenne bénéficie d’un salaire minimum équitable. Proposer un régime européen de réassurance des prestations de chômage. Redoubler d’efforts pour lutter contre la pauvreté, améliorer les conditions de travail des travailleurs de plateforme, créer une garantie européenne pour l’enfance, appliquer pleinement la directive sur l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée, faire de la garantie pour la jeunesse un instrument permanent de lutte contre le chômage des jeunes. Etablir un plan européen de lutte contre le cancer. Proposer de nouveaux actes législatifs pour lutter contre les discriminations. Nouvelle stratégie européenne d’égalité entre les hommes et les femmes avec des mesures contraignantes en matière de rémunérations. Fixer des quotas garantissant une égale représentation des hommes et des femmes dans les conseils d’administration, ajouter la violence envers les femmes à la liste des infractions pénales définies dans le traité, prévenir la violence domestique, protéger les victimes et punir les coupables. En terme de justice fiscale il est urgent de réformer les systèmes de l’impôt sur les sociétés au niveau de l’UE et au niveau international, défendre l’équité fiscale, que ce soit pour les entreprises traditionnelles ou les sociétés du numérique, agir pour un impôt numérique équitable à l’échelle mondiale, ou au niveau européen d’ici la fin 2020, proposer une assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés, intensifier la lutte contre la fraude fiscale,
3) Une Europe adaptée à l’ère du numérique : que l’Europe se montre plus ambitieuse en saisissant les possibilités offertes par l’ère du numérique, au sein d’un cadre garant de la sécurité et de l’éthique, élaborer des normes communes pour nos réseaux 5G, parvenir à une souveraineté technologique, présenter une proposition législative en vue d’une approche européenne coordonnée relative aux implications humaines et éthiques de l’intelligence artificielle, proposer une nouvelle législation sur les services numériques, organiser le changement de paradigme par l’intermédiaire d’une unité conjointe de cybersécurité, avancer vers la numérisation pleine et entière de la Commission, donner aux citoyens les moyens d’agir grâce à l’éducation et aux compétences, faire de l’espace européen de l’éducation une réalité d’ici à 2025, établir un plan d’action en matière d’éducation numérique, tripler le budget d’Erasmus+ dans le cadre du prochain budget à long terme.
4) Protéger notre mode de vie européen : faire une Europe plus ambitieuse lorsqu’il en va de la protection de nos citoyens et de nos valeurs, défendre l’état de droit, mettre en place un nouveau mécanisme européen complet de protection de l’état de droit qui doit faire partie intégrante du prochain cadre financier pluriannuel, proposer un nouveau pacte sur la migration et l’asile, avec notamment la réouverture des discussions pour la réforme des règles de Dublin en matière de droit d’asile, renforcer l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, renforcer la qualité essentielle d’un régime d’asile européen commun, revenir à un espace Schengen de libre circulation qui fonctionne pleinement. Etablir un nouveau mode de répartition de la charge avec une nouvelle approche. Etablir notre responsabilité dans les pays d’origine de ceux qui viennent en Europe, renforcer la coopération avec les pays tiers, qu’il s’agisse de pays d’origine ou de pays de transit, développer une approche plus soutenable en matière de recherche et de sauvetage. En matière de sécurité intérieure, le Parquet européen devrait disposer de davantage de moyens et d’autorité, être habilité à enquêter sur le terrorisme transfrontière et à engager des poursuites en la matière, Il est temps de faire passer l’union douanière à l’étape supérieure.
5) Une Europe plus forte sur la scène internationale : une Europe qui affirme son ambition en renforçant le leadership mondial responsable qui fait sa singularité, respect de l’ordre mondial et des règles qui le sous-tendent, ainsi qu’à leur actualisation, créer un solide programme en faveur d’un commerce libre et équitable, veiller à ce que tout nouvel accord conclu comporte un chapitre consacré au développement durable et adhère aux normes les plus élevées de protection en matière de climat, d’environnement et de travail, y compris une tolérance zéro pour le travail des enfants, rechercher toujours des solutions multilatérales, jouer un rôle moteur dans la modernisation et la réforme de l’Organisation mondiale du commerce, travailler main dans la main avec nos voisins et nos partenaires, adopter une stratégie globale à l’égard de l’Afrique, réaffirmer la perspective européenne des Balkans occidentaux, ouvrir la voie à un partenariat stratégique ambitieux avec le Royaume-Uni, faire entendre une voix plus forte et plus unanime dans le monde avec une approche coordonnée de l’ensemble de notre action extérieure, parvenir à une véritable union européenne de la défense, développer une approche intégrée et globale de notre sécurité en interdépendance avec paix et développement.
6) Un nouvel élan et un plan d’action pour la démocratie européenne : une Europe plus ambitieuse, qui nourrisse, protège et renforce notre démocratie, que les citoyens aient leur mot à dire à l’occasion d’une conférence sur l’avenir de l’Europe, développer un droit d’initiative pour le Parlement européen, veiller à ce que les commissaires rendent compte au Parlement européen à toutes les étapes des négociations internationales, raviver la tradition de l’Heure des questions – un débat régulier avec le Parlement européen, revoir le mode de désignation et d’élection des dirigeants de nos institutions, améliorer ensemble le système de «têtes de liste» dits Spitzenkandidaten, renforcer la visibilité pour l’électorat au sens large et étudier la question de listes transnationales aux élections européennes en tant qu’outil complémentaire au soutien de la démocratie européenne. La nouvelle réglementation devrait entrer en vigueur suffisamment tôt avant les élections européennes de 2024, avec plus de transparence et de contrôle, création d’un organe éthique indépendant commun à toutes les institutions de l’UE, accroître la transparence tout au long du processus législatif, nous protéger de toute ingérence extérieure, élaborer une approche conjointe ainsi que des normes communes pour traiter des problèmes tels que la désinformation et les messages de haine en ligne.
De prochains exercices traiteront de l’analyse synthétique du bilan ainsi que de retours venant des membres du Parlement européen, voire des différents Conseils.