Lettre à Volodymyr ZELENSKY - FR et ENG versions
Veuillez trouver ci-après les versions française et anglaise en PJ d'un courrier adressé au Président Volodymyr ZELINSKY
Paris, le 26 avril 2025
Mr Volodymyr ZELENSKY
Président de la République d’Ukraine
Monsieur le Président de la République
Je me permets de vous contacter pour vous apporter certaines réflexions et propositions voire vous demander de pouvoir venir vous les exposer prochainement.
Pour mémoire, l’I.R.C.E est un Think et Do tank généraliste et indépendant travaillant à charge et à décharge sur les dynamiques européennes dont celles de l’Union Européenne. Nous utilisons volontiers les techniques de stratégie, management et de psychologie, avec des compétences étendues en sciences sociales sur la négociation et la médiation pour structurer les débats et faciliter et optimiser les processus, même et surtout en diplomatie.
En ce jour d’adieu au pape François, aux obsèques duquel vous étiez présent, mais aussi cette période d’anniversaire de la fin de la seconde guerre mondiale et de la guerre au Vietnam, je tenais à vous réaffirmer l’admiration que nous vous portons ainsi qu’à votre peuple, vous qui subissez le feu et avez su résister puis repousser les attaques massives et cruelles de l’agression cette fois officielle et non déguisée de votre grand voisin en 2022. Même si ce sont vos morts, les populations de l’UE, composante d’un vecteur économique de paix, soutenu par l’OTAN, ne restent pas insensibles aux souffrances endurées par les Ukrainiens.
Cet essai d’invasion qui a rappelé ce qu’est une vraie guerre, et ce qu’elles ont pu être en Europe, à effacé du même coup les causes et origines de la guerre, au-delà de simplement récupérer des territoires. Hélas, jusqu’à présent, les contre-attaques n’ont pas réussi à repousser cet ennemi puissant au-delà de vos frontières. Mais c’est un exploit, à la fois de vos forces et de vos populations, certes accompagnées et structurées depuis 10 ans pour mieux résister. Cette expérience doit être mise désormais à profit dans les territoires de l’Union, notamment par la défense civile et économique.
Nous avons appris à vous connaitre en regardant la série Serviteur du Peuple qui parlait déjà largement de la lutte contre la corruption. Nous avons été sensibilisés au conflit russo-ukrainien dès 2014 quand votre ancien ambassadeur en France Oleg Shamshur plaidait pour le respect des frontières et pour l’arrêt des morts chaque jour à l’intérieur de votre pays et nous l’avions reçu au restaurant des sénateurs pour en parler, comme nous le faisons avec ses homologues européens. Un premier projet de mission d’étude de réduction du conflit n’a hélas pas pu aboutir pour certaines mises en garde soulevées par votre ambassade.
Depuis dix ans, j’écris sur la crise et la guerre dans votre pays en énumérant les faits et en proposant des solutions de court moyen et long terme, souvent reprises, comme le coupe feu militaire à 100 km du front, mais aussi sur les situations en Crimée et dans vos territoires de l’Est et nous réalisons des événements sur ce conflit. Le retour d’expérience des actions des Présidents Sarkozy sur la Géorgie, Hollande et de la Chancelière Merkel pour la conclusion des accords de Minsk sont une référence, même si l’on voit bien que les arrangements sont plus fragiles que viables. Il peut rester intelligent, toujours à charge et à décharge, de se poser encore les bonnes questions dans un esprit de préservation. Bien entendu, le peuple ukrainien peut aussi raisonner comme d’autres peuples libérés des Russes et mêmes des Etats-Unis mais souvent à quel prix.
Nous travaillons aussi sur l’aide généralisée à votre pays, dont la coopération industrielle et la reconstruction qui doit être financée avec audace et transparence, considérant néanmoins que la partie la plus détruite est occupée par la Russie dont nous espérons aussi le renouveau. Votre pays fonctionne toujours économiquement et pourra sans doute toujours se préparer à la possible intégration dans l’UE avec ses forces qu’il convient de capitaliser et ses faiblesses qu’il s’agit de compenser avec une aide qui pourra perdurer passant du voisinage à la cohésion. Intégrer l’UE signifiera rentrer dans le cadre d’une certaine interdépendance gagnante pour tous dont et surtout économiquement. Vous assurerez alors l’exercice des quatre libertés fondamentales de l’UE.
Vous êtes courageux et téméraire et la stratégie vaut mieux parfois que la persévérance. Le Général de Gaulle a su recréer une identité française avant même que les Etats-Unis ne soient forcés à entrer en guerre. Auparavant il avait aidé à repousser l’armée russe en Pologne. Vous avez réussi, salué par votre prédécesseur, à créer cette résistance et cette identité ukrainienne et faire en sorte que les Européens vous fournissent plus de matériels que leurs alliés outre-atlantique, tout en développant et fabricant vos propres matériels, désormais progressivement en coopération. C’est bien vous, par votre persévérance, plus que D. Trump ou V. Poutine qui avez su réveiller les Européens, certes énormément liés aux Etats-Unis. Cette insistance doit être mesurée pour en conserver tout son profit.
L’OTAN aussi a su se réactiver pour remplir sa veille défensive afin de sécuriser les frontières actuelles de l’organisation, sorte de ligne rouge géographique mais également humaine, grâce aux présences militaires diverses, sans forcément aller jusqu’à installer le coupe feu et cessez-le-feu proposés. Rappelons aussi que ses articles deux et trois de coopération économique arrivent avant son article cinq d’assistance militaire.
Les États-membres de l’UE et autres pays européens, comme également l’Union européenne, ont aussi su accroître leurs efforts financiers pour relancer leurs productions d’armement pour répondre à vos besoins comme aux leurs encas de possible attaque sur leur sol, préparer une économie de haute intensité, prête à passer en économie de guerre s’ils le sont un jour. Sans doute faut-il également mieux définir les lieux de gestion pour une dépense optimale, afin de faire face au fléau que vous connaissez, ce que l’UE devrait aussi modifier dans sa gestion de voisinage à travers le monde. Cela pourrait nous permettre d’entrevoir les prémices d’un avenir constructif avec votre pays.
Il convient désormais de préserver ces avancées alors que la ligne de front semble figée sans désormais de grands mouvements de situation, analyser des propositions, objectifs, réalités, et trouver des solutions et des options mesurables, accessibles, réalistes, réalisables, déterminées dans le temps avec des risques acceptables pour la stabilité du centre de l’Europe.
Comme vous le savez, à instruire pour la paix, surtout à charge et à décharge, on court toujours le risque toujours d’être accusé de fonctionner pour l’autre camp. La médiation et l’aide à la négociation n’impliquent pas de donner des solutions mais peuvent néanmoins aider à mettre en avant certains faits et certaines réalités et permettre aux parties de se parler et d’avancer dans la résolution du conflit sauf quand ce ne peut être le cas, empêchant l’écoute active souvent à cause de problèmes d’identité, voire de personnes. Il est parfois difficile également d’accepter une possible solution de rechange et que le principe gagnant-gagnant soit équilibré et respecté. Chaque conflit est destructeur même pour celui qui se croit le plus fort. Les pays de l’UE et leurs représentants, notamment au centre Europe, attendent plutôt, comme vous, une défaite totale de la Russie et le retour à la situation d’avant 2014, ce qu’il semble difficile d’obtenir aujourd’hui.
L’Ukraine doit être partie prenante des négociations, en vainqueur des territoires préservés contrairement aux négociations imposées de Yalta et de façon constructive sous peine de s’en voir écartée. On s’interroge sur la place de l’Europe dans les négociations mais ne sont-ce pas les Etats membres et l’UE qui disent eux-mêmes que l’avenir des Ukrainiens leur appartient ? Pour autant, si les peuples doivent pouvoir disposer d’eux-mêmes, cette décision ne peut-elle pas aussi concerner les voisins ou alliés surtout quand ils sont sollicités pour une aide, avec ou sans contrepartie sauf à être sensibilisés par le risque d’étalement de la crise ? L’intégration demandée dans l’UE, quasi acceptée par son exécutif, voire dans l’OTAN n’implique-t-elle pas une dynamique collective avec ses membres au même titre qu’elle implique le pays à s’élever avant d’y rentrer et de valoriser ses forces et faiblesses ? Ou alors n’est ce que pour un espace de paix sauvegardé et d’ailleurs par qui ?
Concernant vos territoires, peut-être est-il possible de dire que ceux qui risquent momentanément d’être perdus, comme les anciennes Alsace Moselle françaises, appartiennent et appartiendront toujours à l’Ukraine tout en admettant certaines dispositions contraires, espérons transitoires et temporaires, comme quand la Russie déclare que Kiev est encore la mère des villes de Russie et que l’Ukraine est une affaire intérieure, ou que la Russie reprend le cadeau personnel de la Crimée, violant le droit international ? La Russie n’a heureusement pas réussi à vous envahir et n’a subi que des échecs extérieurs depuis 1945. Par ailleurs, on peut se demander actuellement pourquoi la Russie abandonnerait les territoires étant donné qu’elle ne recule pas. Si les armées allemandes, fragilisées militairement mais surtout politiquement, quittèrent la France et rentrèrent dans leur pays en 1918 de façon victorieuse, ce n’est pas le cas actuellement pour la Russie
Autant Vladimir Poutine utilise l’OTAN pour se poser en victime, autant ses souhaits de démilitarisation ne sont pas crédibles, sauf à considérer les anciens engagements pris par l’Autriche. Les dirigeants russes pourraient nous rappeler pourquoi ils insistent autant sur ces revendications territoriales. Permettre à la Russie de reprendre l’Ukraine constituerait peut-être un vrai risque aux frontières de l’UE, non pas uniquement par son attitude, mais par le renforcement de son potentiel avec des savoir-faire désormais éprouvés. Les Russes sont toujours suspicieux. Nous avons le droit de l’être aussi. Mais vous qui connaissez la Russie, peut être avez-vous aussi les clés pour faire arrêter ou nous faire comprendre cette crainte permanente, et qui existe aussi hélas au sein des élites de la diaspora installée en Europe. Le risque est d’autant plus grand que même certains pays de l’UE n’ont pas fait le deuil de leur défaite et de leur réduction de taille et de pouvoir lors de la disparition des empires en 1918. Il faudra sans doute continuer à composer avec Vladimir Poutine sur le long terme, comme autrefois avec Staline et Bachar El Assad, tant que le peuple n’en a pas décidé autrement ou que le dirigeant n’aura pas évolué. Commenter à chaque fois ses annonces ne sert à rien considérant la psychologie du personnage avec ses mensonges permanents et manipulateurs.
Quant au Président Trump, il semble que sa psychologie le conduit surtout à souhaiter que les choses avancent sans être entravées par ceux qui bloquent les processus, et à utiliser des jeux souvent destructeurs ou immédiatement réparateurs. Il souffle hélas le chaud et le froid tout en restant toujours attentif et potentiellement volontaire. Mais il est également possible d’utiliser d’autres jeux psychologiques à son égard. Pourquoi lancerait-il des ultimatums s’il ne comptait pas de toute façon faire intervenir les Etats-Unis ou du moins protéger ses soldats ? Les Etats-Unis sont venus défendre la France et l’Europe deux fois après avoir eu une déclaration de guerre et ont été totalement approvisionnés par la France en 1918. La machine de production qui a aidé notamment la Russie, s’est réellement mise en route en 1942 une fois que les Etats-Unis se sont vraiment sentis menacés. Tout le monde s’accorde à dire, et même les Philippins, agressés par la Chine, que les Etats-Unis, quel que soit leur Président, ne se déplacent jamais pour rien demander en échange même s’ils jurent sur la Bible, contrairement à la France et les Européens qui pourraient le faire.
L’Europe a largement bénéficié du plan Marshall mais au profit de produits étasuniens. Et il en sera de même pour la reconstruction. Comme nous le préconisons pour le buy european act « raisonné » en se posant les bonnes questions, ou pour le made in Europe avec la préférence européenne « substantielle » sans pourcentage stricte réclamé, vous pouvez aussi vous concentrer sur les Européens, notamment dans une volonté d’intégration, sans montrer votre trop grande dépendance aux Etats-Unis tout en les ménageant. Quand de Gaulle l’a fait, l’Europe était déjà anéantie, ce qui n’est pas le cas actuellement. Désormais, en matière de défense, les Européens se réunissent à l’OTAN sans les Etats-Unis sous l’impulsion franco-britannique et s’ils usent de sanctions économiques, seule arme européenne en attendant une défense officielle ou un accord officiel entre l’UE et l’OTAN, ils sont la valeur crédible de votre souveraineté et vous pouvez aussi contribuer à ce réapprentissage.
Ne pas rentrer dans l’OTAN, voire à long terme, ne signifie pas pour autant que l’Ukraine ne sera pas protégée si des accords sont signés, considérant notamment la façon dont vous avez su compenser la poussée ennemie, qui laissera le temps aux alliés, cette fois, de vous secourir. Il sera néanmoins difficile de rentrer dans l’UE ou l’OTAN en étant en guerre, même si Chypre est un contre-exemple.
La France a déjà connu des entailles temporaires à ses territoires au cours de son histoire. Ces territoires furent reconquis par des conflits par fois réparateurs pour les uns et "découpeur pour les autres, à la différence d’autres pays du centre Europe, comme notamment la Hongrie ou la Pologne. Figer les frontières pour arrêter la guerre, comme à Chypre, où la Turquie accuse l’UE d’avoir fait échouer les pourparlers, ne signifie pas arrêter de vous soutenir, et vous le faire implique souvent une remise en question régulière pour répondre à toutes vos exigences tant structurelles que matérielles ou financières. En 1914, les Serbes avaient accepté toutes les revendications, ce qui n’a pas empêché une guerre attendue et voulue. Tenter de figer la ligne de combats et revenir sur les accords de Minsk montrera bien qui est responsable et qui veut la paix ou la guerre sauf à en expliquer la raison.
Aussi, j’aurai plaisir, ainsi que quelques membres, à venir vous rencontrer dans la mesure du possible et pour aborder et développer ces concepts de vive voix dans cette résolution de conflit pour mieux bâtir l’avenir.
Espérant avoir retenu votre attention, veuillez croire, Monsieur le Président de la République, en l’expression de mon profond respect.
François CHARLES Président de l'I.R.C.E.
fcharles@irce-oing.eu +33 (0)6 23 19 56 05
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