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Publié par I.R.C.E. - Institut de Recherche et de Communication sur l'Europe - Une nouvelle vision européenne

EN cette période d'interrogation, voici une nouvelle publication de cet article de 2017

REPUBLICATION - Discours d'Emmanuel MACRON "Initiatives européennes" ET commentaires

 

Discours d'Emmanuel MACRON « initiative européenne » 26 sept 2017

ET Commentaires

O n connaissait l'engouement de Nicolas Sarkozy pour faire avancer la chose européenne notamment dans le cadre de la présidence française. Nous avons découvert l'audace et l'ambition d'E. Macron qui semble vouloir prendre la main, après les élections allemandes, en essayant de ne pas froisser les autres nations et faire oublier certains propos récents, comme on le reproche aussi parfois à l'Allemagne dans certains domaines, mais sans peut-être tout à fait se mettre à leur place, comme la France devrait mieux savoir le faire puisqu'elle veut faire l'Europe mais sans trop souvent réaliser que l'Europe n'est pas qu'un seul pays.

 

 

Par François CHARLES

Economiste, conseil en stratégie et management, président de l'I.R.C.E.. Commentaires personnels en italique

 

Sans reprendre notre « coup de baguette magique », et sans être trop dithyrambique, il ne s'agissait pas d'une lettre au père Noël mais d'une série de mesures diverses pouvant rassembler. Daniel Cohn Bendit, désormais retiré du Parlement européen, salue d'ailleurs aujourd'hui le premier responsable d'Etat qui se lance à définir une perspective de ce qu'est la souveraineté européenne. EM sera soutenu en grande partie par JC Juncker qui l'avait cité dans son discours sur l'état de l'Union et à qui il répondait en partie en écho depuis le grand amphi de la Sorbonne avec un discours de conviction, de refondation d'une Europe souveraine unie et démocrate tout en gardant néanmoins la possibilité de conserver la main pour imposer certaines mesures par douce violence pour le bien du peuple.

 

Comme pour D. Trump, si certaines idées ne sont pas nouvelles mais réaffirmées politiquement avec volonté d'avancer concrètement et avec renforcement, certaines sont innovantes, certaines sont validées alors qu'elle avaient été auparavant enterrées et certaines sont absentes. Mais le panier est déjà bien rempli et rejoint dans une certaine mesure nos réflexions et propositions dans de nombreux domaines variés en misant sur le décloisonnement d'idées. C'est là aussi l'enjeu de la refondation ou la refonte pour tenter d'avancer. EM rappela le sens du lieu de la Sorbonne, lieu d'idée au départ de quelques érudits, et que l'Europe aussi est une idée, notamment des pères fondateurs, qui a triomphé des ruines et qui demeure dans un mode de vie collégial. EM veut bousculer une certaine situation de confort relatif, en rappelant qu'au départ, rentrer dans l'Europe signifiait liberté et émancipation pour beaucoup de pays et que l'Europe n'a pas forcément vocation a confier sa sécurité à « l'Amérique » en oubliant de se défendre et de proposer certaines solutions et qu'il faut qu'elle réagisse face à ceux qui entretiennent la peur des peuples. EM rappela que les défis sont mondiaux, qu'il convient de ne pas nous refermer, que l'Europe doit porter et évoluer au delà des anciens schémas.

 

EM juge que l'Europe que nous connaissons est trop faible, trop lente et inefficace mais qu'elle peut pourtant assurer une souveraineté réelle pour défendre nos valeurs et nos intérêts en utilisant nos énergie à construire plutôt qu'à se combattre. JCJ abordait quant à lui une base de travail plus positive, certes surtout économiquement, estimant que l'Europe allait mieux et qu'il convenait d'en profiter pour rebondir.

 

Pour EM, la première clé est la sécurité face au désengagement des Etats-Unis et à l'augmentation du terrorisme. Ceci passe par l'amplification des travaux engagés notamment sur la cyber sécurité et la protection de l'espace commun et en créant une capacité d'action autonome en complément de l'OTAN. Il aurait pu dire dans une identité européenne au sein de l'OTAN pour éviter toute duplication et répondre à l'esprit de quasiment tous les autres pays. EM rappelle la coopération structurée permanente, le fonds européen de défense sur les capacités et la recherche, et uniquement, sans lien avec le fonctionnement, mais sur le manque de culture stratégique commune, qui est hélas une réalité mais souvent lie à l'attitude française. EM propose d'accueillir des militaires européens dans les armées françaises pour une force européenne d'intervention, reprenant notamment les initiatives germano-néerlandaises, mais peut-être davantage de façon multilatérale que bilatérale plutôt préférée par les autres pays. Nous pensons qu'il faut davantage une interdépendance et complémentarité (terme trouvé en concertation européenne) des forces comme dans les Battlegroups qui n'attendent qu'à fonctionner plutôt qu'une mixité. Il insiste sur la nécessité de normes communes, comme le fait l'OTAN, vecteur d'intégration européenne, un budget de défense commun, reprenant plus le fonctionnement de l'Eurocorps avec son budget propre, que de la brigade franco allemande et une doctrine commune pour agir de façon étendue contre le terrorisme. EM ne prononce pas le rôle de la France comme leader européen sans doute pour mieux attirer l'Allemagne qui semble s'en sortir mieux avec les autres grâce à ses atouts économiques et sa force du consensus et rester bienveillant avec le Royaume-Uni qui cherche lui-aussi également sa place.

 

EM aborde aussi l'Europe de la sécurité par la création d'une académie européenne du renseignement et d'un parquet européen contre la criminalité et le terrorisme ainsi qu'une force européenne de protection civile pour les catastrophes. Certains commentateurs ont confondu avec une force d'action rapide militaire mais l'idée rejoint nos travaux sur l'imbrication des forces, la protection des côtes comme nous le proposions dès 2002 pour les catastrophes pétrolières et humanitaires en mer et les feux de forêt mais qui existe déjà d'une certaine façon.

 

La deuxième clé d'EM est d'assurer la souveraineté en maîtrisant les frontières tout en préservant nos valeurs en accueillant dignement ceux qui ont droit à l'asile et en raccompagnant tout aussi dignement les non éligibles, en devoir d'Européens. EM souhaite un office européen de l'asile, des fichiers connectés, des documents biométriques sécurisés et partagés, une police des frontières européennes, des actions pour stabiliser les pays d'origine, un financement solidaire d'un programme de formation pour les réfugiés en s'inspirant du modèle allemand pour la gestion des immigrés, et en prenant sa part pour donner l'exemple.

 

EM regarde vers la Méditerranée et l'Afrique afin de créer une politique commune et un partenariat stratégique pour le projet européen rejoignant nos initiatives sur la façon inversée des relations désormais d'interdépendance avec l'Afrique. AM propose une aide publique au développement financée par la taxe sur les transactions financières, qu'il avait enterrée, avec un engagement de la France, l'un des pays les plus concerné.

 

La troisième clé est le développement, l'éducation, la santé et l'énergie avec un besoin d'interconnexions notamment avec l' Espagne et le Portugal dont l'Union européenne est facilitatrice mais sans parler de nécessaire complémentarité énergétique entre Etats en terme d'optimisation et de sécurisation

 

La quatrième clé concerne la transition écologique et la manière de nous comporter. Pour EM, l'Europe doit devenir le leader d'un modèle productif de civilisation, une avant garde d'une transition efficace et équitable financée par juste prix plancher suffisamment élevé de taxe carbone aux frontières supérieure à 25 euros la tonne pour des réorientations profondes sur les secteurs, les territoires avec créations d'emploi à la clé. EM réclame la mise en place d'un programme de soutien pour les projets industriels en la matière et sans parler de besoins en recherche pour également limiter les rejets du charbon que nous préconisons avant toute disparition repoussée et hypothétique.

 

EM y regroupe également la sécurité et de la souveraineté alimentaire avec une volonté de se poser les bonnes questions sur la PAC, selon lui tabou français, au niveau européen en terme de protection des agriculteurs et des consommateurs et de confiance dans les aliments en favorisant une transition agricole européen, laissant une plus de flexibilité pour les territoires et les filières, rejoignant en cela la notion de valeur au delà de toute approche concurrentielle et économique

 

EM apporte un soutien à JCJ pour supprimer les doubles standards, avoir confiance dans les experts, établir une évaluation scientifique européenne, avec une recherche mieux financée pour identifier les risques et alternatives, éclairer sur la dangerosité et ne pas s'effacer au profit d'engagements politiques soutenus par les lobbys et les intérêts industriels. EM aurait pu rajouter pour une recherche fondamentale et appliquée plus structurée, plus efficace et mieux contrôlée, ainsi que développer des plates formes de valorisation avec un grand effet de levier.¨Pour EM, l'Europe doit prendre la tête par l'innovation radicale avec une agence européenne de l'innovation de rupture, en finançant les domaines nouveaux comme l'intelligence artificielle, en attirant des talents et créant des champions européens. Il n'aborde pas que cette innovation de pensée doit passer sans doute par la compréhension de reprises et de montages intra-européens avec des émotions autant françaises, qu'allemandes et italiennes pour ce qui est de Nexter-KMW, d'Alsthom-Siemens, de STX-Fincantierri-Navalgroup mais aussi de PSA-OPEL ou de la fabrication de la SMART en France.

 

La 5° clé d'EM est numérique pour la transformation des économies. L'Europe doit définir le cadre de régulation pour un marché unique du numérique à construire pour protéger les données, sans préciser personnelles où des directives existent déjà ou professionnelles où tout reste à faire, créer la régulation et défendre les droits d'auteur et toute forme de création de valeur d'origine. EM profite du numérique pour parler de la taxation des entreprises qui s'implantent hors d'Europe pour échapper à l'impôt.

 

La 6° clé est la puissance économique industrielle avec par exemple une politique spatiale ambitieuse mais également monétaire avec une même monnaie et donc une ambition de la zone euro pour créer une Europe intégrée, réduire le chômage, créer une puissance économique concurrente de la Chine et des Etats Unis pour sortir de l'échec actuel. Ici EM parle de la France qui va moins bien que ses voisins avec un taux de chômage qui ne baisse pas contrairement à la moyenne européenne, ce que saluait JCJ. Il ne parle pas non plus de réflexions stratégiques segmentées au niveau européens pour mieux répondre aux stratégies chinoises et étasuniennes. EM réaffirme que la France est légitime pour l'ambition et les réformes européennes car elle engage elle-même des réformes. EM réaffirme le besoin de financements de biens communs par la monnaie et le besoin d'un budget plus fort au sein d'une zone euro forte efficace et solidaire, en fait une « place financière européenne», pour une ressource et des dépenses communes avec un impôt pour le financer comme notamment celui sur les sociétés, et avec un ministre commun et contrôle parlementaire exigeant au niveau européen. EM ne rejoint pas forcément JCJ qui parle certes de transformer le commissaire au budget en ministre européen de l'économie et des finances mais disant que « nous n'avons pas besoin d'un budget de l'euro distinct mais d'une ligne budgétaire conséquente dédiée à l'euro zone dans le cadre de notre budget de l'UE », considérant que l'euro est la monnaie européenne. Notre avis est partagé entre les deux dans le sens où la création d'une gouvernance d'une zone euro peut entraîner par réaction la création d'une gouvernance non euro et creuser un fossé mais qu'il ne faut pas forcer absolument pour autant le passage à l'euro tout en veillant au non prosélytisme contre l'euro, ce que n'acceptent pas les Britanniques que nous soutenions pourtant dans leurs questions clés.

 

La 7° clé, avec le symbole voulu ou non du chiffre 7, est la bataille pour l'unité avec la solidarité et la culture. EM milite pour une convergence, une « grammaire », un socle d'un modèle social évolué européen, avec la création d'une agence en la matière pour le respect des règles de concurrence. Il souhaite casser la course au moins disant par une révision de la directive sur le travail détaché en réclamant un salaire minimum et une égalité des cotisations en instituant que le plus haut niveau soit payé au profit du pays d'origine pour l'aider à converger par solidarité. Il rejoint ici JCJ sans pointer forcément du doigt nommément l'Allemagne, championne en la matière, mais prend à contre-pied les pays du centre Europe avec un montage de compensation qui mérite d'être précisé, qui rejoint l'idée originale des fonds structurels, dont le Fonds Social Européen ainsi que nos propositions de bourse de compensation. Il conviendra de bien contrôler où vont les fonds pour éviter les polémiques de style d'achats d'avions étasuniens en Pologne avec des fonds européens. EM continue selon lui à bousculer en demandant une harmonisation des impôts sur les sociétés, engageant les Etats, notamment en France et en Allemagne avec une fourchette de taux faisant un lien cette fois avec les fonds structurels (de cohésion) et certains financements injustifiés. Cette idée n'est pas nouvelle mais attend d'être appliquée.

 

Pour EM, la culture doit être un atout où chaque étudiant doit parler au moins deux langues européennes d'ici 2024, doit passer au moins 6 mois dans un autre pays européen avant ses 25 ans, en tant qu'étudiant ou apprenti. Em milite pour la création d'universités européennes avec des cours dans au moins deux langues dans les lieux d'innovation, de recherche d'excellence dès le lycée avec reconnaissance des diplômes dans tout le système secondaire européen.

 

EM aborde la démocratie en remerciant le vice président de la Commission européenne pour ses actions et en disant que « nous avons tourné la page d'une forme de construction   qui s'est fracassée sur le doute démocratique européen » et en mettant en garde sur le fait de faire avancer malgré tout sans proposer par peur du changement, et des peuples sans tomber dans le piège des populismes notamment en Allemagne par le transfert de financement et en France par le transfert de traité. EM propose des conventions démocratiques peut-être en regard de la démocratie directe suisse ou pour renforcer les actuelles pétitions devant le parlement ou les initiatives citoyennes devant la Commission européenne, comme nous le préconisons pour un Sénat européen, pour un contenu et un enjeu sur les élections européennes de 2019 avec le constat que l'Europe protège finalement mieux qu'une politique nationale. EM reprend sans le citer, comme JCJ et bien d'autres, la vieille idée de Daniel Cohn Bendit de listes transnationales plutôt que se partager la dépouille britannique mais avec la moitié du Parlement européen pour les prochaines élections, laissant d'ailleurs toujours la porte ouverte outre manche, afin de ne pas laisser aux grands partis le monopole. Parlant des jeux olympiques, il évoque l'hymne européen à côté des emblèmes nationaux.

 

Le Président français termine enfin par une série de propositions diverses :

  • Consolider le marché unique avec des règles adaptées, utiles, comprises, dans un espace de convergence, de renouvellement de la politique commerciale avec transparence, exigences sociale et environnementale dans les débats commerciaux, avec la mise en place d'un procureur commercial européen pour contrôler. Il n'emprunte pas le terme de Buy European Act pour un marché unique protégé afin de ne pas brusquer mais espérons qu'il continue à le soutenir ;

  • réduire la Commission à 15 membres en demandant aux pays fondateurs de montrer l'exemple en sachant laisser la place de leur commissaire. Il n'aborde pas la création d'une DG de défense qui pourrait solutionner le rôle sensible et ambigu de la haute représentante ;

  • s'ouvrir aux pays des balkans pour la paix et la sécurité et éviter qu'ils se tournent vers la Russie ou la Turquie qui ne ressentent pas les mêmes valeurs ;

  • maintenir une invitation ouverte permanente au Royaume-Uni qui ne peut que trouver sa place, et nous le saluons sans nous réjouir du Brexit, en rappelant le rôle du moteur franco-britannique

  • créer une agence de l'innovation avec ambitions de de rupture notamment sur l'intelligence artificielle mais nous l'espérons avec capitalisation de l'existant aujourd'hui mal exploité, optimisé ni valorisé

  • oublier le temps où la France décide et impose et « re »passer au temps où la France « propose » une vision plutôt que parler d'instruments ou d'outils

  • aller vers des différenciations, rejoignant nos idées de « groupes de cohérence » appréciées notamment par les Allemands, en accélérant le rythme et les ambitions, en acceptant les différences multiples, avec le lancement d'un groupe de la refondation européenne ouvert à tous avec volontarisme mais sans bloquer les autres pour identifier les changement nécessaires sans tabous, voire signer un nouveau traité de l'Elysée et de coopération le 22 janvier 2018

 

FC

 

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