L’EUROPE DE DEMAIN - texte et vidéo
L’EUROPE DE DEMAIN
Article écrit et enregistré pour S&D Magazine suite à l'initiative de Mélanie BERNARD-CROZAT dont la vidéo figure ci-après ainsi que la version anglaise
L’EUROPE DE DEMAIN, OBJECTIFS ET REALITES
On me demande souvent ce qu’il adviendra de l’Europe comme si elle allait mal ou devait se casser indéniablement, arrivée à la fin d’un cycle, ou devait renaitre grâce notamment à cette récente guerre, selon certains, du COVID. Je reprendrai un condensé actualisé de mes discours de vœux avec certains mots clés ou bien entendu chacun aura ses lunettes et écoutera à sa façon, voire entre les lignes, car l’Europe c’est aussi et sans doute avant tout une problématique de mots et de lunettes entre objectifs et réalités multiples et entre nations unies dans la diversité avec parfois le cadre ou le souvenir de certaines alliances.
En passionné d’histoire, que de chemin parcouru depuis la Communauté du Charbon et de l’Acier et ses objectifs limités. Je répondrai qu’il faut savoir regarder, analyser et capitaliser toutes les expériences de vie et les attentes réciproques pour aller de l’avant, avec pourquoi pas une grande solidarité continentale de l’Atlantique à l’Oural en interdépendance avec le reste du monde, notamment occidental, en ces moments de commémorations et de deuils renouvelés.
En philosophe, et en prenant ma traditionnelle baguette magique qui aide certains à construire une Europe « pour tout le monde pareil », ce qui n’est pas forcément la solution, j’ai envie de rêver des bienfaits de la naïveté de l’enfant qui peut croire que tout est possible avec courage et bienveillance, mais les grands fondateurs ne l’ont-ils pas cru, voire fait ?
En économiste, je souhaite que l’Europe, où nous dirons ici que l’UE, réfléchisse en même temps sur les 4 piliers et principes de politique générale, à savoir la stratégie, la structure, l’identité et la prise de décision et qu’elle accepte qu’il est possible d’en changer en fonctions notamment des événements peut-être en conservant les gouvernances à la fois confédérales et fédérales. Elle doit continuer à donner du rêve par des grandes annonces, comme le plan de relance qui n’a cette fois pas de nom, mais avec un pilotage responsable, efficace, réaliste, réalisable et déterminé dans le temps, avec également des moyens de sanctions comme dans toute forme d’organisation pérenne.
Je souhaite un certain courage aux nouvelles institutions, qui vont sans doute devoir décider de changer certaines briques pour avancer, peut-être désormais avec une gouvernance tournée vers un nouveau chapeau de domaines d’exclusivité que sont la finance de la zone euro, la concurrence, la politique commerciale, une partie de la pêche et les douanes, sans oublier que la subsidiarité n’est pas la nature de l’UE mais ce qui arrive après ces dernières ainsi que les domaines partagés. Ne reprenons pas forcément les mots de régalien ni fédéral non compris de la même façon par tout le monde, notamment en France et en Allemagne, et pourquoi pas dans la création d’une nouvelle instance de vote représentative des régions, sorte de Sénat, que la Commission, pour être tranquille, considère déjà établi avec le Conseil des ministres, ce qui n’a rien à voir.
Elus et institutionnels doivent trouver le chemin de l'écoute et de la pédagogie avec une valorisation reconnue de ce qu'apporte l'Union européenne sans forcément la mettre à leur profit quand cela les arrange ou éviter de dire que l'Union est exigeante quand ce sont eux qui durcissent trop les réglementations, notamment dans l'agriculture, compétence partagée mais qui est la seconde plus forte décision politique prise après guerre, qui doit par ailleurs rester une force motrice comme elle l'a été au début de la construction européenne, même si elle doit désormais être adaptée à l’environnement et à la santé. Le pacte vert et son financement ne doivent pas être une variable d’ajustement même s’il faut savoir parfois faire des choix budgétaires, mais doit néanmoins montrer une certaine souplesse pour une meilleure atteinte des objectifs fixés.
Je souhaite à la Commission, qui se veut désormais forte, responsable, agile, décloisonnante et géopolitique, pour reprendre les mots de sa Présidente, qu’elle sache travailler avec ambition mais œuvrer avec discernement et réalisme pour ses nouveaux objectifs annoncés et notamment dans une certaine idée de politique industrielle qui existe déjà à travers la recherche, bénéficiant de financements propres, comme développés actuellement en equity ou haut de bilan dans l’innovation pour bâtir des licornes et par des emprunts en son nom, en remplacement ou affirmation de certaines aides d’état, garanties par la monnaie, voire par des obligations. Le nouveau Parlement européen doit quant à lui continuer à afficher une certaine identité de démocratie en faisant respecter un travail constructif tripartite et désormais une future possibilité d’initiative réclamée depuis longtemps et une totale autonomie qui n’existe pas encore quand on sait que le président du Parlement a du être choisi dans un groupe minoritaire dans le cadre d’un équilibre avec la Commission ;
Je souhaite une valorisation de l’UE au niveau international, avec une parole affirmée à la fois forte et diplomatique, qui ne peut qu’être adossée à des capacités autonomes et stratégiques fortes et sécurisées, voire en parlant de souveraineté ou d’intérêts vitaux, si ces mots peuvent être rassembleurs;
Au-delà du chacun pour soi, je souhaite aux à l’UE et ses nations « unies dans la diversité », de trouver et comprendre les bienfaits d’éléments communs et de valorisation des différences, pour créer une certaine dépendance dans l’interdépendance dans de nombreux domaines économiques, notamment ceux stratégiques de l'énergie et de l'industrie en général afin de mieux travailler et être plus forts et efficaces ensemble, tout en conservant chaque point fort de leur identité au profit de la communauté pour notamment créer des modèles exportables. Nous ne devrions plus avoir besoin de la Chine, des Etats-Unis ou du Japon qui considèrent souvent l’Europe comme un terrain de jeu, pour comprendre nos atouts économiques. Alliés et partenaires doivent être choisis en transparence et courage pour une certaine protection de préférence européenne minimale et raisonnée, parfois même coûte que coûte, sans bien entendu fermer les frontières. Il convient d’avancer ensemble à la fois dans un certain équilibre créateur de richesses avec une composante sociale intégrée dans une concurrence intelligente et dans une cohérence d’actions à la fois bilatérale et multilatérales en continuant à veiller aux choix des citoyens mais sans doute avec de nouvelles initiatives. Les entreprises doivent comprendre que l'UE a misé sur elles depuis longtemps pour la création de richesses notamment avec la recherche et qu'elles s'inscrivent également dans une dynamique d'identité pour ce qui est bon pour l'Europe et non dans une logique purement financière et de profit.
Je souhaite que l'Europe reste forte, solidaire, face au risque de dilution et de fracture, notamment crée par les migrations légitimes ou cachées, et face aux risques et menaces extérieures ; Je souhaite que la notion de solidarité soit renforcée entre grands et petits pays et groupes de pays qui doivent être mieux considérés sans oublier l’histoire de certains, grands autrefois, voire entre groupes de pays et entre régions, avec un partage des préoccupations des quatre points cardinaux de nos frontières, sans forcément apporter la même réponse ou contribution. Les pays fondateurs doivent continuer à aider financièrement les pays nouvellement rentrés ou candidats afin de consolider leurs économies, mais ceci doit se faire avec mesure et respect de règles fondamentales sans inciter à certaines dépenses cofinancées qui peuvent mettre en péril des économies déjà fragilisées face aux investissements à réaliser dans certains domaines prioritaires. Ces mêmes pays doivent reconnaître cet effet de levier qui leur apporte souvent des technologies récentes et penser aussi en terme de retour d'investissement, voire en réattribution, pour les pays fondateurs qui désormais en reçoivent moins mais émettent de nouveaux besoins notamment sur les infrastructures. Par ailleurs, certaines dynamiques doivent être mûries au sein de groupes de cohérence, notamment au sein même de la zone euro, afin d’éviter tout risque de contagion et il semble important qu’une fiscalité soit régulée tout en laissant une souplesse d'ajustement pour chaque pays ;
Je souhaite que la France et l’Allemagne, forces motrices majeures de l’Union, sachent trouver les bons mots et les bonnes solutions pour se parler sans forcément se jalouser, se copier, s’imposer, ni surtout se blâmer et savoir considérer les autres en confiance, et pourquoi pas dans une notion de label où chacun est libre de proposer une solution. Je souhaite que nos amis Britanniques, qui semblent cette fois avoir décidé d’une certaine voie (voix), trouvent une forme de partenariat équitable et équilibrée pour que tout le monde puisse faire son deuil sans regret ni espoir de revanche afin d’œuvrer comme un couple séparé mais sachant continuer à travailler et se côtoyer de façon intelligente en conservant les éléments positifs du passé et en acceptant le fait de s’être trompé, peut-être par manque de maturité, comme nous pouvons le faire avec un autre grand pays candidat. Au-delà du travail de négociation, qui s’avère délicat et loin d’être terminé, il sera important de tirer les constats d’un tel épisode notamment pour l’UE.
Je souhaite que les citoyens s'intéressent aux institutions et à leurs actions de façon constructive, en se donnant la permission d'exprimer leurs idées, leurs propositions, leurs commentaires mais également leur mécontentement constructif avec les outils et les structures, mis à leur disposition sans pour autant stopper certaines dynamiques pensant qu'elles ne les concernent pas ; Je souhaite que les idéalistes européens d'un seul moule comprennent la volonté d'identité et d'une certaine indépendance de chaque peuple qui apparaît souvent lors des élections, surtout venant de pays qui souhaitent enfin un peu exister avec aussi une certaine souveraineté sans forcément être des enfants libres ; mais je souhaite aussi que les idéalistes nationaux comprennent que ces peuples peuvent néanmoins aspirer à vivre ensemble dans un monde de paix mais surtout d'échanges pour les rendre plus forts. Je souhaite qu'Erasmus + continue à faire autant de bébés et qu'ils vivent en pleine santé dans un mix-énergétique cohérent, économique et sécurisé. Je souhaite que certaines valeurs, parfois adaptables et difficilement définissables de la même façon par tous, comme le sont les intérêts vitaux, soient le socle d’une identité propre pour que nous puissions dire que nous sommes fiers d'être Européens, unis dans la diversité en étant un modèle pour le monde sans forcément ouvrir nos frontières librement
Enfin, je souhaite qu'une défense européenne trouve ses marques et son identité en terme d'équipement en confiance de capacités et de fonctionnement de façon intelligente et optimisée avec une interdépendance, voire une gouvernance propre, au sein de l'OTAN, vecteur d'intégration européenne, tant qu'elle existe, ou même à l’extérieur avec une structure rebâtie mais autonome et européenne avec des relations toujours étroites avec ses alliés historiques militaires que sont les Britanniques et les Etats-Unis, mais avec un dialogue, voire une coopération envers la Russie et la Chine pour éviter toute fausse incompréhension d’identité. Reste à en trouver une méthode européenne d’intégration efficace pour donner envie sans imposer.
Pour terminer, je reprendrai ce poème que certains connaissent désormais. Comme le diamant issu des profondeurs de la terre, l'Europe ne se fera pas en un jour et son origine est ancrée au plus profond de notre histoire. Comme le diamant, l'Europe ne sera, pas non plus, façonnée ensuite en un jour et il convient d'y apporter une attention bienveillante à chaque instant. Comme le diamant, qui brille de mille facettes, qui en font ensemble sa rareté et son effet précieux, l'Europe est éclatante, attrayante, enviée et riche, par sa diversité et l'interdépendance de ses territoires, de ses peuples et de ses compétences. Elle peut avoir plusieurs apparences et briller différemment en fonction de son environnement. Comme le diamant, elle pourra avoir quelques imperfections, qui feront son caractère, mais qui pourront aussi être gommées pour la rendre plus belle. Comme le diamant qui ne se brise pas, l'Europe sait être la plus forte. Et comme le diamant, l'Europe est éternelle.
François CHARLES
Président de l’I.R.C.E.
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