BILAN DE LA PRESIDENCE ALLEMANDE DU CONSEIL DE L'UE
Avant la prochaine intervention de l'Ambassadeur ne souhaitant devant l'I.R.C.E. sur le bilan de la présidence allemande, avec une demande de traçabilité des actions et de cohérence avec le groupe de trois,
nous vous transmettons un aperçu des propos reçus lors :
d'un article Le Point
d'une conférence web chambre franco allemande
d'une conférence web Ambassade
L'Ambassadeur d'Allemagne s'est annoncé auditeur sans contribution si un prochain événement a lieu pour le lancement de la présidence portugaise.
TRIBUNE. La présidence allemande de l'UE prend fin en ce 31 décembre. Les enseignements d'une année difficile mais riche pour l'Europe par l'ambassadeur d'Allemagne.
Par Hans-Dieter Lucas, ambassadeur de la République fédérale d’Allemagne en France et auprès de MonacoLa situation a rarement été aussi difficile au début d'une présidence du Conseil de l'UE. La pandémie de Covid-19, que la chancelière Merkel a qualifiée de « plus grand défi auquel l'Europe a été confrontée depuis la Seconde Guerre mondiale », est venue bouleverser des années de préparation. L'hémicycle du Parlement européen à Strasbourg est resté vide tandis qu'à Bruxelles d'innombrables conseils et plusieurs sommets ont dû se tenir en format virtuel. C'est dans ces conditions particulièrement défavorables que l'Europe a dû trouver une réponse à la crise actuelle, sans pour autant perdre de vue les dossiers cruciaux pour l'avenir. Une tâche titanesque !
Où en est l'Europe après ces six mois de présidence allemande, après toutes ces visioconférences et ces nuits passées à débattre lors des sommets ?
Sur certains dossiers, notamment celui sur les relations futures avec le Royaume-Uni, les efforts se sont poursuivis jusqu'à la dernière minute. Nous pouvons cependant affirmer dès aujourd'hui que la présidence allemande du Conseil a été un succès. Dans ce contexte de crise sans précédent, nous avons, tous ensemble, rendu l'Europe un peu plus souveraine, plus forte et plus durable. Les Européens ont su – contrairement aux prédictions des populistes de droite et de gauche – prouver leur capacité à prendre des décisions et à agir collectivement.
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Après une courte phase, au début de la pandémie, où les réflexes nationaux l'ont emporté, nous avons fait de grands progrès en matière de coordination européenne pour surmonter la crise sanitaire. À cet égard, les visioconférences des chefs d'État et de gouvernement organisées sur l'initiative de la chancelière allemande se sont avérées très utiles. Je considère comme un succès le fait que nous soyons parvenus à trouver des solutions européennes sur les questions tant de nos frontières que de l'approvisionnement en vaccins. Nous en tirerons tous les bénéfices en 2021.
Étant donné l'ampleur de la crise économique, l'UE devait envoyer un signal fort de solidarité. Sur l'initiative commune du président Macron et de la chancelière Merkel, l'UE s'est accordée sur une réponse sans précédent en se dotant d'un nouveau fonds de relance européen de 750 milliards d'euros. Ce fonds peut être qualifié à juste titre de réussite historique. Il nourrit la confiance dans la capacité de l'UE à sortir renforcée de la crise. Pour la confiance à long terme dans l'Europe, il était important également de s'accorder dès maintenant sur la date de début du remboursement des dettes, fixée à 2028. Après la crise, nous devrons consolider nos budgets si nous voulons rester compétitifs.
Sur ce point comme sur le budget à long terme de l'UE, il s'agit donc de surmonter la crise tout en redressant durablement l'économie et en posant des jalons pour l'avenir de l'Europe. Outre les fonds supplémentaires alloués à des programmes européens, notamment dans la santé, la recherche et pour Erasmus +, 30 % des dépenses seront affectées à la protection du climat. Il était également essentiel que l'UE se fixe un nouvel objectif ambitieux dans ce domaine. Ainsi, d'ici à 2030, les émissions de gaz à effet de serre devront être réduites d'au moins 55 % par rapport à leur niveau de 1990. Par cet engagement fort, l'UE ne s'affirme pas seulement comme un acteur économique majeur du « monde de l'après-Covid », mais aussi comme une puissance aux avant-postes de la lutte contre le changement climatique.
L'Union européenne est avant tout une communauté de valeurs. À ce titre, la présidence allemande a œuvré pour que des moyens budgétaires européens soient, pour la première fois, conditionnés au respect de l'État de droit. Les modalités de ce mécanisme ont certes fait l'objet de longues discussions, notamment avec la Hongrie et la Pologne, mais le principe de la conditionnalité a été préservé. Cela a constitué un signal important pour notre « maison Europe » qui, aujourd'hui plus que jamais, a besoin d'un socle de valeurs communes pour s'affirmer sur la scène mondiale.
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L'Europe n'y parviendra qu'à condition de renforcer sa capacité à agir et donc sa souveraineté. Cet objectif stratégique était au cœur de la présidence allemande. « Nous, Européens, devons prendre notre destin en main », exhortait déjà la chancelière Merkel en 2017 à l'issue de son premier sommet du G7 aux côtés du président américain Trump. Trois ans plus tard, cette phrase reste d'actualité, même après l'élection de Joe Biden. Car une chose est sûre : même si nous avons toutes les raisons d'espérer un renouveau dans les relations transatlantiques, l'Europe devra assumer davantage de responsabilités. En témoignent les crises dans notre voisinage proche, en Biélorussie, dans le bassin méditerranéen ou encore au Haut-Karabakh. Vis-à-vis de la Chine également, l'UE a besoin d'un dessein cohérent pour défendre ses intérêts et ses valeurs.
Ces dernières semaines, certains commentateurs se sont parfois focalisés sur de prétendues dissensions entre la France et l'Allemagne. Or Paris et Berlin sont à l'unisson : toutes deux veulent une Europe dotée d'une meilleure capacité d'action, une Europe plus indépendante et plus forte dans tous les domaines, c'est-à-dire pas uniquement en matière de défense mais aussi, notamment, de protection du climat, de transition numérique ou encore de santé. Une Europe plus souveraine n'est nullement incompatible avec des relations transatlantiques solides. Les États-Unis restent notre premier partenaire extra-européen et un allié indispensable pour la défense collective de l'Europe. Mais rendre l'Europe capable d'agir par elle-même est un prérequis pour un partenariat transatlantique plus équilibré. Cela nécessite une vue stratégique commune des Européens, y compris au sujet des capacités européennes. L'élection de Joe Biden ouvre la voie à une « nouvelle donne transatlantique ». Nous devons saisir cette chance sans hésiter.
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L'étroite coopération entre la France et l'Allemagne sur tous les autres dossiers de notre présidence a été fondamentale au cours des six derniers mois. L'initiative franco-allemande pour le fonds de relance européen illustre de manière éloquente combien un accord entre nos deux pays reste la base d'un consensus à l'échelle européenne. Mais les derniers mois ont aussi montré qu'une présidence du Conseil ne pouvait imposer aucune décision seule.
L'ensemble des partenaires européens et des institutions communautaires, en particulier le Parlement, doit être consulté. Il n'en reste pas moins difficile, parfois, de parvenir à un accord. La réforme du régime d'asile européen est un exemple de dossier sur lequel nous n'avons pas encore pu aboutir car les positions sont encore trop divergentes. Grâce aux nouvelles propositions de la Commission, nous avons toutefois fait un grand pas en avant.
Avec la disparition de Valéry Giscard d'Estaing, l'Europe vient de perdre l'un de ses plus grands artisans. À l'issue de la convention qu'il présidait, il avait qualifié l'élaboration d'une Constitution européenne de « voyage vers l'inconnu, comme ces marins qui voient monter du fond de l'horizon des étoiles nouvelles ». Une présidence du Conseil n'est pas un voyage vers l'inconnu. Elle n'en reste pas moins un parcours jalonné d'imprévus et, parfois, semé d'embûches. Sur ce bout de chemin, nous avons fait tout notre possible pour avancer en direction d'une Europe qui croie en elle-même et sache s'affirmer dans un monde en proie à une compétition sans relâche.
Nous passons à présent le témoin à nos amis portugais, qui le transmettront à leur tour à la Slovénie. Puis, en 2022, ce sera au tour de la France d'exercer la présidence du Conseil. Au vu des défis auxquels l'Europe devra faire face, l'engagement de chacun de nous sera requis. C'est à cela qu'appelle le slogan de la présidence allemande : « Tous ensemble pour relancer l'Europe ! »