Ukraine : après 2 ans de la deuxième phase, quelles victoires ? quelles défaites ?
On passe vite d'une expression à l'autre sur l'Ukraine. Qu'en est-il de certaines réalités - loin de les aborder toutes - aujourd'hui pour chaque partie si la guerre s'arrêtait par un coup de baguette magique et une photo de la théorie des jeux ?
Par François CHARLES
Economiste, expert défense, ancien responsable politique industrielle européenne à la DGA, président de l’Institut de Recherche et de Communication sur l’Europe
Rappelons nous qu'elle a commencé en 2014, que les Ukrainiens dénonçaient déjà une violation des frontières, que tout le monde se moquait des morts quotidiens avec une présence supposée russe et qu'elle à empiré en 2022 par une invasion officielle et ouverte en masse depuis la Biélorussie suite à certaines raisons, sans doute plus liées à l'UE qu'à l'OTAN, ce dont le pays avait le droit, oubliant simplement qu'il était et reste impossible d'intégrer ces institutions en état de guerre, sauf à considérer que le problème n'était qu'interne.
V. Poutine et les Russes : ils ont déjà perdu car le but était d'envahir le pays et de réinstaller un pouvoir officiel favorable, voire de l'annexer faisant disparaitre les actes juridiques. La soi-disant annexion des territoires de l'Est, non entièrement acquis, n'a rien donné s'agissant des menaces et s'Ils ne contrôlent pas toutes les côtes. Ils ont réussi à piller les territoires. Pour mémoire, les discussions d'adhésion à l'UE avaient commencé avec l'Ukraine avant 2014 et que le revirement du pouvoir en place, sous pression de Moscou, a provoqué la révolte. Ils ont plus que réussi à installer les accords de Minsk dans les régions considérées mais de façon forcée. La Crimée est annexée mais pas protégée. Ils ont réussi à réveiller l'OTAN et tester ses limites notamment pour sa réaction possible en Ukraine, certes non membre. Essoufflement de masse mais désormais meilleure efficacité opérationnelle. Essoufflement technologique non démontré. prochaines élections seront sans surprises. Les sanctions ont permis une sorte d'autonomie sans grandes conséquences et les contres sanctions ont en partie été détournées.
V. Zelinsky et les Ukrainiens : ils ont perdu dans la reconquête de la zone Est, et de l'intégralité du pays, ce qu'ils ne pouvaient faire apparemment de toute façon avant. Ils ne pourront gagner la guerre mais ont gagné dans la reconnaissance en réussissant à contenir puis dérouter une attaque quasiment seuls puis maintenir une certaine ligne de front avec l'aide occidentale au moins matérielle. Formidable laboratoire sur certaines technologies. La zone Est a déjà été pillée par les Russes. Les lignes de front bénéficient des hommes revenus dans le pays. Essoufflement de la mobilisation interne. Formidable réussite de mobilisation des occidentaux avec avancées régulières. Les Ukrainiens semblent abandonner la langue russe dans tout le pays, au delà de la zone Est. L'économie fonctionne toujours, la candidature à l'UE a vite progressé même si le pays n'est pas prêt. Suivre les prochaines élections s'agissant du degré d'engouement des Ukrainiens pour continuer la guerre ou faire une nouvelle pause. L'Ukraine a pris la place de la Russie à Bruxelles sur le strapontin des membres de l'OTAN qui évite de l'intégrer en tant que pays en guerre. Aujourd'hui les lignes de front sont stabilisées. La contre attaque n'a pas fonctionné mais le risque de durer est aussi peut-être à nouveau de tout perdre un jour.
L'UE et ses membres : on navigue entre la réclamation d'une victoire nécessaire avec un retrait total de la Russie, avec ou sans baguette magique voyant bien les difficultés rencontrées, craignant pour eux mêmes alors qu'a priori protégés par l'OTAN, dont finalement ils ne croient sans doute pas, et un arrêt des combats avec retour aux limites de 2014 et aux accords de Minsk. L'UE a continué sur sa lancée du Covid pour prendre conscience de sa dépendance, prendre des mesures nouvelles et innovantes s'agissant des armements sans pour l'instant réelle économie de guerre, en attendant une possible structuration de l'équipe d'Europe constructive au sein de l'OTAN. La France et d'autres pays en profitent pour mener des accords bilatéraux avec l'Ukraine comme au sein de l'UE et rappeler son identité nucléaire autonome. Nécessaire passage de capital risque à capital développement avec un choc proposé par l'UE. Enfin certains membres acceptent de soutenir l'Ukraine tout en soulevant certaines limites. Refonte des réapprovisionnements énergétiques. Après 13 trains de sanctions, la guerre continue.
l'OTAN et les Etats-Unis : consolidés au sein de l'UE profitant pour l'instant de l'article 2 sur l'économie mais avec des achats de F-35 de toute façon programmés depuis longtemps. Pas encore de réelle économie de guerre mais gare au premier étasunien stationné en Europe qui pourrait être tué et qui retournera vite l'opinion publique. Faut il positionner un cordon non belliqueux OTAN sans intégration de l'Ukraine, pays en guerre, ou plutôt ONU dans le pays pour arrêter l'hémorragie comme en Géorgie ? Le gaz russe n'est plus totalement acheté. Qu'en pensera D. Trump avec lequel els Etats Unis n'ont jamais autant investi militairement en Europe et dont peut etre les républicains bloquent les budgets pour mieux les libérer ensuite
La Turquie et la Chine : la première toujours dans le double jeu mais devrait s'afficher comme modérateur sans apporter de plan. La seconde attend le moment pour saisir l'occasion de prendre la main à partir de la Méditerranée
Gardez tous les autres ingrédients non cités en réserve, ajoutez un peu de sel de poivre, de plantes médicinales, et autres assaisonnements et servez à bonne température. Mijotage recommandé mais avec durée limitée !