La Chine au secours de la France et de l’Europe ? - 4 -
Pour le 60e anniversaire des relations diplomatiques entre les deux pays, le président Xi est en France, a rencontré le président français et la présidente de la Commission européenne ce matin sur les affaires commerciales et a discuté d’affaires géopolitiques cet après midi qu’il n’a pas voulu reconnaitre ou commenter, à se demander si les deux présidents étaient dans la même réunion, comme avec V. Poutine. La confiance peut elle être de mise avec ce partenaire, comme d’ailleurs avec le partenaire allemand qui va seul en Chine sauf si en cohérence ? Dans la suite des articles sur la Chine au secours de la France et de l’Europe, et après certains étonnements sur mes anciens constats de rapprochement russo-chinois notamment dans le domaine militaire, il est intéressant de faire un point sur certaines réalités et certains jeux autres qu’olympiques.
Par François CHARLES
Economiste, expert stratégie et géopolitique, président de l’Institut de Recherche et de Communication sur l’Europe, ancien spécialiste Asie et risk manager des programmes d’armement à la DGA.
L’attitude de la Chine doit nous aider à réfléchir sur nous même, Français et Européens, en termes de politique générale, industrielle et commerciale entre nous et avec les autres mais également de diplomatie et de défense. Même si la Chine n’est plus l’Eldorado, le fait que nous sommes en balance déficitaire, même désormais pour l’Allemagne qui tente d’éviter les représailles fiscales chinoises, montre que nous avons besoin des produits chinois. La Chine s’affiche comme l’atelier du monde, désormais avec sa propre technologie et a besoin des consommateurs européens, comme des consommateurs russes Mais nous pouvons aussi re-trouver des substituts locaux avec mesures correctives, soit avec des mesures de protection comme savent le faire le Japon et les Etats-Unis, soit avec des mesures de réduction des coûts, notamment grâce au digital, pour maintenir des prix attractifs pour toutes les bourses et pas uniquement sur les panneaux photovoltaïques, qui aident aussi à atteindre les objectifs climatiques.
On se soucie désormais peu du Japon qui était le grand prédateur économique quand la Chine dormait encore. La Chine, membre du conseil de sécurité, inquiète désormais à la fois sur le plan économique en passant outre les règles de l’OMC, mais aussi, directement ou indirectement, sur le plan militaire. Elle le fait dans sa zone géographique mais pourquoi pas à terme sur l’Europe, anciens envahisseurs, avec une certaine complémentarité, non uniquement technologique avec la Russie avec des manœuvres conjointes en Méditerranée sans doute non uniquement pour protéger les routes de la soie. Difficile d’imaginer ce que Xi pense en passant en revue les troupes françaises.
La France a été le premier pays occidental à accueillir une ambassade chinoise en 1964. Leur mémoire dure à long terme. Après l’invitation de Xi dans ses terres natales, le Président Macron, dans son rôle, a invité le couple présidentiel dans les Pyrénées. Le tout n’est pas de savoir si immédiatement il y aura des retombées économiques avec de grands contrats signés, qui arriveront peut être lors du colloque Choose France, mais au moins de maintenir des liens voire de réduire certains risques ou certaines actions, restant dur sur les faits mais doux sur les personnes, tels les grands principes de gestion de crise et de négociation, qui plus est avec les Chinois.
Les communications officielles de compte rendu des entretiens du premier jour ont été bien différentes, Xi se cantonnant uniquement sur les aspects commerciaux discutés d’ailleurs en présence de la Présidente de la Commission européenne pour montrer une certaine solidarité européenne, loin d’être aussi sévère que les contraintes étasuniennes. Peut-être fallait-il conserver un corps diplomatique pour comprendre qu’un hochement de tête ne veut pas forcément dire que l’on est d’accord. Espérons néanmoins que si la dissimulation officielle peut approuver certains constats négatifs, comme sur le sujet de l’exportation de matériels non duaux vers la Russie, elle peut aussi parfois néanmoins engendrer des actions effectives. On peut aussi comprendre qu’il peut-être difficile d’assimiler, pour des non Européens, que si l’Europe et les Etats-Unis aident l’Ukraine, les autres ne peuvent aider la Russie. Les exemples historiques suisse et étasunien peuvent d’ailleurs faire jurisprudence.
Le Président Xi ne voyage pas souvent et a voulu consacrer ses premières rencontres européennes depuis 2019 à la France, la Serbie et la Hongrie. Certains l’annoncent comme une opération de charme. Notons que la visite est retransmise en Chine sur grand écran. On pourra ou non chercher et comprendre une certaine cohérence. Si la Chine montre bien que désormais elle peut se permettre une certaine diplomatie, s’appuyant notamment sur sa puissance militaire en forte progression, elle se souvient que la France fait partie du Conseil de sécurité de l’ONU et constate souvent les particularités et originalités françaises face aux Etats-Unis et même à l’OTAN, depuis le Général de Gaulle, ce que les Français peuvent comprendre pour aborder tous les sujets, sans forcément attendre de réponse, mais pour montrer aussi que certaines valeurs seront toujours affichées et défendues. Reste à montrer une certaine crédibilité soit seul, soit comme partenaire potentiel en équilibre aussi avec la dimension européenne et une concurrence loyale et positive, où la France subit d’ailleurs l’effet de prise de judo, ses idées étant souvent reprises par les autres et à son insu.
Xi Jinping cherche avant tout à consolider la stabilité stratégique des relations bilatérales, explorer le potentiel de la coopération agroalimentaire, la R&D et l’innovation sur aéronautique, le spatial, le nucléaire civil, l’énergie verte, la bio médecine, l’IA et ne renforcera pas certaines restrictions, en espérant qu’il appréciera la bouteille offerte. Il cite 18 accords de coopération intergouvernementale et l’accélération des échanges culturels. Et comme disait un représentant japonais lors de leurs visites à la DGA dès 1992, un grand pays doit savoir se doter des éléments dont elle a besoin, sous entendu coûte que coûte, autre clin d’œil à C. de Gaulle qui avait relancé les efforts déjà décidés en 1938, hélas un peu tardivement suite à une certaine forme d’enlisement du pays.
Il nous reste à comprendre aussi que la Chine cherchera plutôt toujours l’indépendance, voire la contre dépendance que l’interdépendance même avec la Russie avec laquelle elle entretient des relations particulières à Vladivostok. Elle n’est pas en guerre contre l’occident, elle veut le dépasser pour devenir la première puissance mondiale, pourquoi pas en la déstabilisant au moins commercialement. La Chine souhaite une stabilité internationale pour faire croitre son économie avec si possible avec une Russie non affaiblie pour un bon partenariat, tout en reconnaissant, à l’équilibre, que les fauteurs de troubles sont à l’ouest, sans reconnaître l’annexion des territoires de l’Est de l’Ukraine, ce qui évite sans doute les anciennes représailles annoncées par V. Poutine tout en ne soutenant pas les sanctions, comme les Turcs, eux même à l’équilibre avec d’autres réalités et sans affirmer bien entendu que les sanctions lui sont bénéfiques.
France, Europe et Chine peuvent bien entendu se retrouver sur les échanges culturels, les actions humanitaires, les prolongements de visa et E. Macron semble avoir obtenu un soutien pour une trêve olympique. Reste à savoir si elle sera voulue et respectée par toutes les parties et on sait les suites des jeux d’hiver en 2022 et même en ex Yougoslavie auparavant.
Et si la Chine, et surtout son Président, peut aider à cette trêve, elle peut aussi aider à faire arrêter momentanément ou définitivement la guerre en Ukraine, et ses risques pour l’Europe et le monde, encore faut il savoir à quelles conditions et sur la base de quels accords voire de quels deuils de nature très variées.
chine - I.R.C.E. Institut de Recherche et de Communication sur l'Europe - www.irce-oing.eu
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