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Publié par I.R.C.E. - Institut de Recherche et de Communication sur l'Europe - Le Think et Do Tank des dynamiques européennes

Dossier. La défense européenne « NATO by design » après le sommet de l’OTAN et les essais de solutions de la crise russo-ukrainienne paru dans le numéro 225 de la revue Défense UNION-IHEDN - voir pdf ci-après

Par François CHARLES

Economiste, expert géopolitique, stratégie, management, intelligence économique, relations européennes et internationales, ancien responsable d’affaires industrielles de défense dont OTAN, et président de l’Institut de Recherche et de Communication sur l’Europe (I.R.C.E.)

Après les réunions de Ramstein et de Vilnius, au lendemain du sommet de l’OTAN consacré à l’augmentation des dépenses de défense et des achats étasuniens quelle que soit la boussole stratégique, notamment espagnole, après les diverses réunions de chefs d’Etat en Alaska, à Washington, voire en Russie pour tenter de mettre fin à la guerre russo-ukrainienne, après les accords de protection entre certains et d’autres pourtant tous réunis au sein de l’OTAN, sur fonds de protection collective pour protéger éventuellement un Etat, l’Ukraine, qui ne ferait pas partie de l’OTAN, peut-être pourrions-nous nous demander comment fonctionnerait une défense de l’Europe « NATO by design » après le conflit et ses impacts de voisinnage, avec des rôles peut-être nouvellement répartis et des jeux psychologiques désormais relancés, et une organisation qui pourrait avoir des accords de protection pour des pays non-membres.

En rappelant plutôt les éléments de la théorie des organisations à travers le leadership, la structure, les membres et la stratégie dans les environnements internes et externes, je ne reprendrai pas notre fascicule OTAN 2030 avec certains contributeurs dont mes 20 pages sur les relations entre la France, les Etats-Unis et les autres membres de l’OTAN, affichant les réalités matérielles mais aussi psychologiques, ou encore la possibilité de voir l’OTAN comme un vecteur d’intégration européenne depuis nos succès des années 90, où la France a valorisé ses apports en valorisant les autres Etats et créer une équipe « Europe ». C’est peut-être ce qu’il est d’ailleurs advenu récemment avec l’initiative franco-britannique d’avril sans y inviter les Etats-Unis, rompant de facto l’isolement français jusqu’alors vécu, alors que la réintégration devait au contraire y faire valoir ses apports. Il faudrait analyser les relations entre la Pologne et le Royaume-Uni, deux pays très fortement liés aux Etats Unis, l’un ayantpeut-être pris le relais au sein de l’UE, ce qui ne signifie pas que les autres ne le sont pas. L’Allemagne y prend un rôle désormais important, au point de s’y valoriser désormais comme dans l’UE, notamment par consensus, principe de l’OTAN, quand la France aime trancher, disant qu’elle doit réapprendre de la France dans le domaine militaire mais que la France devrait apprendre de l’Allemagne comment travailler au sein de l’OTAN surtout dans cette phase de réarmement face à la Russie et pourquoi la Chine.

Comme dans certains pays qui évitent de communiquer sur les financements européens, la France évite de communiquer sur l’OTAN alors qu’elle intègre les besoins opérationnels et techniques, en regardant ce qu’il se fait déjà sans chercher à travailler sur une page blanche, comme par exemple avec Tide Sprint, et avec des centres de simulation. Loin d’être un « truc » fumeux, le terme NATO by design est bien difficile à entendre par un Français. On le comprend mieux en entendant les états-majors européens dire que « l’OTAN nous demande » certaines structures opérationnelles, auxquelles il faut bien entendu fournir aussi du matériel. Les Battlegroups sont presque bâtis comme autrefois quand par exemple Napoléon utilisait la cavalerie légère polonaise en Espagne, César la cavalerie lourde des Germains contre les Gaulois.

On peut aussi se demander si les parlementaires français allant à l’OTAN défendent les intérêts européens ou français et qu’en est-il des autres pourtant dans une dynamique consensuelle ? A noter aussi l’étonnante relation que les Etats-membres ont avec l’organisation sans jamais, en dehors de la France, remettre en question l’aspect politico-militaire, ni même ses articles 2 et 3, avant son article 5 d’assistance militaire. Si une majorité d’Etats pensent que l’UE est économique, que le domaine militaire appartient à l’OTAN et la protège depuis sa création, les Etats-Unis n’oublient pas que leur économie en récolte les fruits sans vouloir les partager, suite aux essais que nous avons pourtant tentés pour partager le ciel.

Par convention, tout le monde s’accorde aussi sur le fait que l’OTAN est militaire et que l’UE s’occupe des crises. Mais ne serait-t-il pas plus intelligent de faire plutôt la distinction des tâches entre les domaines opérationnels et industriels, tout en y maintenant le lien fondamental sans duplication, sauf complémentaire et spécifique, comme le suggérait le présidentJuncker. Pour éviter les suspicions, est-il judicieux, au sein de l’UE, de reparler des concepts d’UEO et de WEAG, certes intéressantes, qui avaient disparu avec la chute du Muret de reparler de la création d’un pilier européen de l’OTAN qui existe déjà sauf à être officialisé ? De la même façon, on peut aussi se demander ce qu’apporte en plus l’initiative NATO DIANA sur l’innovation mais aussi afficher vraiment ce que la NSPA, centrale d’acquisition et de logistique, apporte actuellement aux pays européens, avec un Eurocorps et une agence internationale OCCAR au milieu du gué. L’OTAN doit intégrer les réflexions et actions de l’UE sans s’en émouvoir et valoriser les siennes. L’I.R.C.E. avait initié en 2013 un événement « industrie de défense » en intégrant automatiquement l’OTAN.

Ceux qui pensent que la défense européenne peut fonctionner à quelques pays devraient se demander pourquoi tous les pays savent travailler ensemble au sein de l’OTAN, sans doute car non influencés par les notions de souveraineté. La notion de puissance commune peut rassembler les souverainismes nationaux, mais elle ne peut être atteinte qu’avec une diplomatie respectée et une monnaie forte. Pour ce faire, l’UE doit donc être protégée militairement mais officiellement par l’OTAN et non par quelques Etats qui n’impliqueront pas l’UE mais peuvent entraîner l’OTAN toute entière en cas de conflit. Il faudra sans doute modifier les textes de l’UE, voire ceux de l’OTAN sauf si les constitutionalistes en décident autrement. Les grands risques concernent les pays baltes, peut-être finalement plus facilement attaquables que l’Ukraine, où désormais des troupes allemandes sont même présentes, sorte de ligne rouge humaine, tant que la Russie, pourtant partenaire de l’OTAN avant 2014, conservera ses besoins d’identité.

Les Européens qui financent davantage que les Etats-Unis sur le fonctionnement de la structure, et accroissent leurs budgets en terme de capacités, devraient simplement s’affirmer en tant que composante majeure sans rompre les liens avec le grand partenaire.  L’idée d’avancer à quelques pays est inadaptée car ellese repose sur une dynamique de pensée spécifique française. N’y aurait-il pas une problématique de leadership et d’égo sauf à prouver que cette fois le grand allié cède sa place de leader responsable, sachant qu’au-delà d’apporter une uniformisation en imposant ses matériels, il n’est même pas leader technique car non normalisé aux matériels européens.

De façon industrielle, à travers la transformation dirigée par la France, et opérationnelle, l’OTAN est considérée une organisation étatsunienne pour les Français, mais une dynamique européenne pour les Américains. L’Europe y existe donc et sait y travailler sans les Etats-Unis puisque la normalisation est la règle alors qu’elle ne s’applique pas aux matériels ni aux systèmes étatsuniens qui cherchent à s’imposer sans notion d’interopérabilité. Outre les aspects de souveraineté, les pays de UE faisant partie del’OTAN savent déjà trouver des compromis et travailler avec l’Autriche qui a maintenu pour l’instant sa parole envers la Russie de ne pas rentrer dans l’OTAN, mais aussi le Royaume-Uni, l’Islande, la Turquie, la Norvège, la Suisse et même un peu de façon précipité avec l’Ukraine. Quant à un SACEUR ou un commandant en chef européen, certains avancent que les Etats-Unis ne lâcheront pas le poste tant qu’un soldat étatsunien sera en Europe même s’ils peuvent y venir rapidement dans les bases prévues à cet effet alors que bien entendu les Français, forts de leur dissuasion, réclament le poste. Reste aussi à savoir quels arrangements de solidarité seront trouvés en cas de conflit en Asie, rappelant l’épisode de Corée.

Reste à savoir si l’Ukraine, ou d’autres en feront partie ou non. Bien entendu l’occident ne veut pas entendre parler de choix en fonction de pressions russes sur le principe de souveraineté. Il en est de même pour l’adhésion à l’UE qui a été un des points de départ de l’invasion cachée et anonyme de soutien entre 2014 et 2022 puis celle de l’officielle et affichée ensuite, même si appelée opération spéciale comme s’il s’agissait d’une opération interne. V. Poutine reproche aux Occidentaux que l’OTAN s’est rapprochée de la Russie violant un soi-disant accord, mais oral et non écrit. On pourrait aussi se demander cequi serait advenu si l’Ukraine avait conservé ses capacités nucléaires mais à cette époque laRussie était devenue membre partenaire de l’OTAN.

Même si « l’Ukraine a une place légitime dans l’OTAN au fil du temps » avait réaffirmé son secrétaire général lors de sa visite à Kiev en avril 2023 et au même titre qu’il est possible de soutenir l’Ukraine pour son indépendance, et « lui fournir ce dont elle a besoin pour vivre en liberté, dont matériels et formations », il est aussi possible de la maintenir comme partenaire et observateur sans la considérer sine die comme membre, avec des frontières à définir, figées ou provisoires comme avec les Alsace Moselle, en espérant que tout n’aura pas été grignoté progressivement par la Russie et son chef qui n’a pas de limites, sauf à donner un coup d’arrêt militaire net et localisé, non pas lancé par les Russes mais par les Occidentaux, qui ne peut être sans doute que nucléaire avec les possibles conséquences que l’on sait avec un scénario du pire non encore vraiment étudié car on imaginable et vite oublié avec les quelques réussites militaires ukrainiennes qui redonnent encore de la vigueur aux espoirs de reconquêtes, et qui cassent tout processus de paix face à des troupes russes qui semblent se renforcer, tout en restant potentiellement fragiles quand on se souvient de la percée étonnante de la milice Wagner, certes a priori dans le même camp. Quant aux sanctions économiques, jusqu’à quel numéro de train irons-nous ? Il n’est de toute façon pas question d’intégrer un pays en guerre qui entrainerait de facto tous les membres qui ne le souhaitent pas.

Sans parler de satisfaire ou de craindre V. Poutine, gardons en mémoire qu’outre les 32 pays membres, l’OTAN entretientdes relations avec 35 pays non-membres partenaires à travers des coopérations pratiques sur des questions de politique et de sécurité. L’Ukraine en fait déjà partie dans le cadre du programme de coopération bilatérale du Partenariat pour la Paix entre 16 pays de la région euro-atlantique, comme également par exemple l’Autriche, la Géorgie, la Suisse, la Serbie en Europe et comme auparavant la Biélorussie et la Russie, qui occupait un des bâtiments de l’ancien siège de l’OTAN à Bruxelles, toutes deux désormais suspendues. Les partenaires contribuent à certaines activités essentielles de l’OTAN, de l’élaboration de politiques au renforcement des capacités de défense, en passant par le développement de l’interopérabilité et la gestion de crise.

Pour autant, les partenariats ne sont pas des accords de protection, comme le réclament les Européens, sauf les cas particuliers auparavant de la RFA, voire de la Finlande et de la Suède avant qu’elles n’adhèrent, ou actuellement du Kosovo. Un nouveau type d’accord serait donc à envisager pour une certaine forme de négociation équitable, avec ou sans l’accord russe.

Il s’agit aussi de capitaliser tous les efforts de l’OTAN et de chacun de ses membres depuis 2024 voire avant. C’est une suite logique avec un des pays qui sera désormais bien équipé, formé, avec des retours d’expérience précieux, qui va s’adapter au système OTAN sans doute plus rapidement que les anciens pays dits d’Europe centrale et orientale (PECO) qui ont dûfaire un saut extraordinaire, un allié stratégique qui a montré une capacité à combattre désormais alors que l’on voit que la menace est toujours bien réelle, sauf à considérer qu’il ne s’agit que d’une affaire entre cousins. Enfin il s’agit d’un pays grand comme la France, en pleine restructuration financée par l’UE avec une richesse bien reconnue, déconstruite puis reconstruite par Staline et à nouveau par V. Poutine et qui pourra participer à la solidarité économique de l’article 2 de l’OTAN. L’entrée dans l’OTAN aura moins d’impact que celle dans l’UE qui est aussi une des raisons de l’invasion. L’OTAN pourra jouer son rôle de vecteur d’intégration européenne où les Etats peuvent mieux se parler et travailler de façon détachée des rivalités internes, notamment au niveau industriel et économique.

La défense européenne « NATO by design » après le sommet de l’OTAN et les essais de solutions de la crise russo-ukrainienne
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